Il s'agit pour cette instance de mettre de l'ordre dans un secteur où son ancien président, Miloud Chorfi, désigné en janvier dernier comme sénateur, après 15 mois à la tête de l'institution, a échoué lamentablement. Deux ans après l'adoption de la loi relative à l'activité audiovisuelle, l'Agence de régulation de l'audiovisuel (Arav), une sorte de CSA algérien, a été enfin installée hier par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Présidée par l'ancien directeur général de la Radio nationale entre 2002 et 2006, Zouaoui Benhamadi, et composée de neuf membres, cette institution est chargée, essentiellement, d'assainir le secteur de l'audiovisuel dont tout le monde convient qu'il évolue dans un véritable marécage de non-droit, où l'indigence culturelle des programmes proposés le dispute aux dérapages et autres dérives sur le plan éthique et déontologique. En présidant, le 23 mai dernier au Palais de la culture, à Alger, la cérémonie de destruction de supports audiovisuels piratés, organisée par l'Office national des droits d'auteurs et des droits voisins (Onda), Abdelmalek Sellal n'avait pas manqué de relever les carences qui caractérisent ce secteur ouvert dans la précipitation, dans la foulée des révoltes arabes en 2011, le pouvoir redoutant une contagion, pour contenir la propagande de la grande machine médiatique qu'était alors la chaîne qatarie, Al-Djazira. "Nous devons tous admettre que certains vecteurs audiovisuels versent plus dans la publicité mensongère, la violation de la vie privée, l'atteinte à la dignité des personnes, la désinformation et, plus grave encore, des attaques contre la cohésion de la société algérienne avec des appels à la haine, au régionalisme et à la fitna", avait reconnu Sellal. "Depuis la promulgation de la loi sur l'audiovisuel, l'autorité publique a toléré un démarrage désordonné en espérant une autorégulation et une décantation qui ne sont pas, hélas, venues. Il est temps que nos concitoyens sachent la vérité et que la loi s'applique à tous dans l'équité et la transparence. Sur la soixantaine de médias concernés, cinq seulement sont réglementairement accrédités. Tout le reste relève de l'informel", avait-il déploré. Il s'agit donc pour l'Arav de mettre de l'ordre dans un secteur où son ancien président, Miloud Chorfi, désigné en janvier dernier comme sénateur, après 15 mois à la tête de l'institution, a échoué lamentablement. Durant tout ce "règne", Miloud Chorfi n'a pas réussi à extirper le secteur de l'anarchie à laquelle il était livré. À peine avait-il produit quelques communiqués de rappels à l'ordre et sanctionné verbalement certaines chaînes dont les émissions n'étaient pas vues d'un bon œil en haut lieu. C'était le cas, à titre exemple, du "Jornane El-Gosto", de la chaîne KBC. Parmi les missions de l'Arav : "Garantir l'objectivité et la transparence, veiller à la promotion et au soutien des deux langues nationales et de la culture nationale et respect de l'expression plurielle des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de diffusion sonore et télévisuelle, notamment lors des émissions d'information politique et générale", selon le texte de loi relatif à l'activité audiovisuelle. Selon la même loi, l'Autorité doit veiller à ce que tous les genres de programmes présentés par les éditeurs de services de communication audiovisuelle reflètent la diversité culturelle nationale, au respect de la dignité humaine et à la protection de l'enfant et de l'adolescent. Elle doit faciliter l'accès des personnes souffrant de déficiences visuelles et/ou auditives aux programmes mis à la disposition du public par toute personne morale exploitant un service de communication audiovisuelle, veiller à valoriser le concept de la protection de l'environnement et de la promotion de la culture environnementale et la préservation de la santé de la population de façon permanente. L'Arav est appelée aussi à veiller à ce que les événements nationaux d'importance majeure définis par voie réglementaire, ne soient pas retransmis en exclusivité, de manière à priver une partie importante du public de la possibilité de les suivre en direct ou en différé, sur un service de télévision à accès libre, précise le texte. Autres missions : juger de la recevabilité des dossiers de création de chaînes, octroyer les fréquences mises à sa disposition par l'organisme public chargé de la télédiffusion, appliquer les règles relatives aux conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions d'expression directe ainsi que des émissions des médias audiovisuels lors des campagnes électorales, conformément à la législation et à la réglementation en vigueur ainsi que l'application des modalités de diffusion des émissions consacrées aux formations politiques et aux organisations nationales syndicales et professionnelles agréées (...). Enfin, la loi dispose que "l'Autorité formule des avis sur la stratégie nationale de développement de l'activité audiovisuelle, sur tout projet de texte législatif ou réglementaire concernant l'activité audiovisuelle et formule des recommandations pour le développement de la concurrence dans le domaine des activités audiovisuelles". Et en matière de règlement des différends, elle arbitre les litiges opposant les personnes morales exploitant un service de communication audiovisuelle, soit entre elles, soit avec les usagers, et instruit les plaintes émanant des partis politiques, des organisations syndicales et/ou des associations et toute autre personne physique ou morale, faisant état de violation de la loi par une personne morale exploitant un service de communication audiovisuelle. Même si, officiellement, il s'agit de pourvoir à une exigence institutionnelle, l'installation de l'Arav, au regard du contexte marqué par le bras de fer engagé par le ministre de la Communication contre la société Ness-prod, filiale de Cevital, et dont les effets de la transaction ont été gelés par la justice, vise, selon toute vraisemblance, pour les autorités, à disposer d'un outil juridique sur lequel il peut désormais s'appuyer pour justifier ses "mesures". Dans son laïus, hier, Abdelmalek Sellal a menacé les chaînes qui manqueront au devoir que leur confère la loi. "Les actes de diffamation, de chantage et d'appels à la violence et à la fitna seront également et fermement combattus et sanctionnés". Quant au nouveau président, Zouaoui Benhamadi, conscient de la difficulté de la mission, il a tenté de rassurer tout le monde, non sans insister sur la nécessité de ne pas laisser perdurer l'anarchie. "En tant qu'institution nouvelle, nous n'avons ni adversaires ni ennemis. Nous allons voir en chacun et chacune des institutions de l'information, plutôt un partenaire avec lequel nous allons travailler et avancer", a-t-il assuré. "L'application de la loi peut être faite de manière mécanique. Mais elle peut se faire avec une certaine douceur et une certaine façon d'agir. Je pense (...) que tout le monde sera convaincu que c'est une institution utile et qu'elle est devant une mission extrêmement difficile et sensible mais pas impossible", a-t-il soutenu, selon des propos repris par l'APS. Mais la mission est loin d'être une simple sinécure. Liste des membres de l'Arav Président: Zouaoui Benhamadi, journaliste, communicant, gestionnaire d'organismes publics Membres: - Zahir Ihaddadène, journaliste, historien ; Zaïm Khenchelaoui, anthropologue, chercheur ; Abdelmalek Houyou, haut fonctionnaire, gestionnaire d'organismes publics ; Dr Ahmed Bayoud, universitaire, haut fonctionnaire ; Aïcha Kassoul, professeur, universitaire, diplomate ; Zouina Abderrezak, professeur des universités ; El-Ghaouti Mekamcha, professeur des universités et ancien ministre de la Justice ; - Lotfi Cheriet, journaliste.