Deux jours après les coups de sommation du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et son annonce de la décision du gouvernement d'assainir le paysage audiovisuel, dont beaucoup conviennent qu'il évolue dans un marécage de non-droit, l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (Arav) a désormais son nouveau président : il s'agit de Zouaoui Benhamadi, ancien directeur général de la Radio nationale de 2002 à 2006 et ancien directeur général de l'Agence nationale de gestion des réalisations culturelles. Cette désignation, qui devrait être confirmée par décret présidentiel dans les prochains jours, intervient dans un contexte particulier marqué, essentiellement, par la polémique autour de la cession d'actions du groupe El Khabar au profit de Ness-Prod. Et d'aucuns ont vu dans la décision des autorités, via le ministère de la Communication, de porter l'affaire devant les tribunaux, une volonté d'empêcher que l'homme d'affaires auquel on prête à tort des intentions de se lancer en politique, du moins selon ses aveux et sa décision d'introduire le groupe El Khabar en Bourse, dispose d'une formidable machine médiatique dans ce climat de guerre en sourdine, en perspective de la succession du président Bouteflika. C'est parce que le ministre de la Communication, empêtré dans un imbroglio politico-juridique, s'est rendu à l'évidence de l'absence d'arguments solides pour faire annuler la transaction commerciale qu'il a décidé de dynamiser l'Arav, une structure prévue par la loi sur l'audiovisuel adoptée en 2014. Non seulement elle n'a pas été mise en place depuis 2014, mais elle s'est aussi limitée à une existence formelle à travers l'ancien président Miloud Chorfi devenu sénateur depuis fin janvier. Et on a vu comment Miloud Chorfi s'était montré incapable de mettre de l'ordre dans un secteur marqué par des dérapages à la pelle et des violations sans cesse renouvelées des règles élémentaires de l'éthique et de la déontologie. En plus de faire la part belle aux discours violents, à l'extrémisme, au racisme et à l'antisémitisme, certaines chaînes se sont spécialisées dans le chantage, la diffamation et l'atteinte à la vie privée des gens. "Nous devons tous admettre que certains vecteurs audiovisuels versent plus dans la publicité mensongère, la violation de la vie privée, l'atteinte à la dignité des personnes, la désinformation et, plus grave encore, des attaques contre la cohésion de la société algérienne avec des appels à la haine, au régionalisme et à la fitna", a déploré lundi dernier, Abdelmalek Sellal. Faute de l'existence de l'Arav, Miloud Chorfi, malgré ses tentatives timides de les rappeler à l'ordre, s'est retrouvé désarmé face aux dérapages de nombreuses chaînes. C'est dire qu'aujourd'hui, la mission de Benhamadi, son successeur, ne s'annonce guère de tout repos. Karim Kebir