Karima se réveille brusquement. Le mauvais rêve qu'elle a fait lui donne la chair de poule. Elle s'est vue mourir. - Ce n'était qu'un cauchemar, se dit-elle en se levant. Avec toute la pression que je subis actuellement, c'est tout à fait normal. Elle se rend à la cuisine et boit un verre d'eau. La pendule accrochée dans le couloir indique qu'il n'est que quatre heures du matin. Même si ce cauchemar a chassé toute envie de dormir, elle retourne à sa chambre. L'idée d'allumer la télévision lui a traversé l'esprit, pour chasser les images effrayantes qui ont troublé son sommeil, mais ce serait prendre le risque de réveiller son grand-père Chérif qui dort dans le salon. Aussi silencieusement que possible, elle retourne à sa chambre et ferme derrière elle. Elle se glisse dans son lit et laisse la lampe de chevet allumée. Elle prend le roman posé sur la table de chevet et en sort une feuille soigneusement pliée. L'horrible cauchemar n'est plus quand elle se met à relire son contenu. C'est un message qu'elle a imprimé d'un cybercafé. Son ami Yanis, avec qui elle correspond depuis des semaines, le lui a envoyée. Le message ne dépasse pas trois lignes. “Ma douce et tendre amie, mardi, je serai libre dès dix heures. Si tu le veux et si tu le peux, tu pourrais venir à Bouira, pour la journée. Si possible, appelle-moi pour confirmer. Yanis.” Karima referme doucement la feuille. Elle ne l'a pas vraiment lue, car depuis sa réception, elle l'a appris par cœur. Plusieurs semaines ont passé depuis leur dernière rencontre et il lui a beaucoup manqué. Elle meurt d'envie de se rendre à Bouira. L'idée de passer quelques heures avec lui l'avait tenu éveillée une partie de la nuit. Elle avait pesé le pour et le contre. D'un côté, elle pourra passer du temps avec Yanis, le connaître mieux et peut-être même donner un nouveau sens à sa vie. D'un autre, il faudra être prudente. Ses deux frères ne lui facilitent pas la vie. À cause d'eux, elle avait perdu son travail à l'agence immobilière. Chaque jour, à tour de rôle, ils étaient venus vérifier qu'elle travaillait bien, et à force de la déranger dans son travail, le patron avait fini par remarquer leurs visites intempestives. Ces derniers lui avaient interdit d'emmener les clients visiter les appartements ou villas. Son patron n'avait pas apprécié. Elle l'entend encore lui répéter qu'elle était une des meilleurs de l'équipe et que les clients appréciaient sa compagnie. - Soit vous continuez à travailler comme les autres, soit on se passera de vous, l'avait-il avertie. Je n'ai pas besoin d'une standardiste. Comme ses frères continuaient à la surveiller, elle n'avait pas pu faire son travail, et son patron avait fini par la mettre à la porte. Ils avaient obtenu ce qu'ils voulaient. Elle est à la maison depuis des semaines et Yanis, qui était aussi un client à la recherche d'un petit studio dans les environs d'Alger, maintenant qu'elle ne travaille plus à l'agence, elle ne peut plus lui chercher le studio, mais elle a chargé ses ex-collègues de la tenir au courant du marché. S'il y a une bonne occasion, elle le saura la première. Son portable se met à vibrer et la tire de ses pensées. Elle éteint le portable, consciente qu'elle allait devoir se décider, soit à rester au lit, soit à se préparer à son rendez-vous… (À suivre) A. K. [email protected]