Un derby, ou presque, entre deux pays très proches et soutenus par des millions de supporters : le Portugal et la France s'affronteront en finale de l'Euro demain soir, après l'élimination de l'Allemagne championne du monde par le pays hôte jeudi en demi-finale (2-0). Cette finale inédite promet d'être forte en émotions et de se jouer dans une ambiance de feu au Stade de France. D'un côté, l'équipe de France, soutenue par un élan populaire qui va crescendo au fur et à mesure du tournoi et dont les Bleus espèrent qu'il les portera au bout, comme au Mondial-98. "Avant de venir au stade on a vu des gens en folie, ils vont l'être encore plus dimanche", a prédit le sélectionneur français Didier Deschamps après le coup de sifflet final de la demie à Marseille. De l'autre, la sélection du Portugal et son icône Cristiano Ronaldo, qui joueront presque à domicile puisque vit en France une communauté portugaise très importante, estimée à plus de 750.000 personnes (sans compter les Français d'origine portugaise). En France, une théorie se développe depuis le début du tournoi, que les supporters psalmodient comme un drôle de mantra, sur un ton mi-goguenard mi-admiratif. Et si Deschamps était accompagné par une chance quasi surnaturelle ? Les signes tangibles de cette étrange croyance ? Un tableau facile (Roumanie, Albanie, Suisse au premier tour, Eire en huitièmes puis Islande en quarts) et, maintenant, une victoire qui a commencé à se dessiner grâce à un penalty inattendu juste avant la mi-temps, alors que l'Allemagne dominait outrageusement. "Aujourd'hui, nous n'avions pas la chance de notre côté", a d'ailleurs glissé le sélectionneur allemand Joachim Löw. Ce penalty transformé par Antoine Griezmann a été sifflé après quelques instants de flottement, sur une main de Bastian Schweinsteiger. À la grande surprise des supporters français, dans le stade et devant la télévision. "J'ai pas tout compris pour le penalty, j'ai pas vu la main mais c'est magique", lance ainsi Arnaud, deux bières a la main. Ce fan français a suivi le match dans la fan zone bondée de la tour Eiffel à Paris, au milieu de 90 000 personnes. Griezmann a doublé la mise à la 72' et pris le large en tête du classement des buteurs de l'Euro (6). Aussitôt après la fin du match, un concert de klaxons a retenti sur les Champs-Elysées, drapeaux bleu-blanc-rouge brandis à bout de bras aux fenêtres des voitures. Loin de cette liesse, à Berlin, des dizaines de milliers de supporters massés devant un écran géant à la Porte de Brandebourg ont ravalé leur déception, entre larmes, visages fermés et silences. C'est la première fois que la France bat l'Allemagne dans un tournoi international depuis le Mondial-1958. De quoi effacer, au moins en partie, un vieux complexe d'infériorité : l'Allemagne avait éliminé les Bleus aux Mondiaux 82, 86 (demi-finales) puis 2014 (quarts). C'était en revanche la première fois que les deux équipes s'affrontaient dans un Euro. Ronaldo veut oublier ses larmes La France espère rééditer à domicile ses sacres de 1984 (Euro) et de 1998 (Mondial). Cette année-là, Deschamps était le capitaine des Bleus. À l'inverse, la Mannschaft, qui disputait sa sixième demi-finale d'un tournoi majeur d'affilée (elle n'en a manqué aucune depuis la Coupe du monde 2006) échoue dans sa quête d'un doublé Mondial 2014 – Euro 2016. Le Portugal, lui, va disputer sa deuxième finale à l'Euro seulement. Mais pas n'importe laquelle.La première, en 2004, s'était terminée sur un drame national. La Grèce avait stupéfié l'Europe et plongé le Portugal dans le désespoir en le battant chez lui, à Lisbonne (1-0), en conclusion de l'Euro qu'il organisait. Ronaldo, âgé de 19 ans, avait fini en larmes. Aujourd'hui, il en a 31 et a changé de dimension, avec trois Ballons d'Or et autant de Ligue des champions à son actif. "J'espère que dimanche, vous me verrez pleurer de joie", a-t-il glissé mercredi après avoir éliminé le pays de Galles (2-0). Les Portugais sont rentrés dans la nuit de mercredi à jeudi de Lyon, où avait lieu la demi-finale contre le pays de Galles. Avant l'accès à leur camp de base de Marcoussis, en région parisienne, ils ont eu la surprise d'être accueillis à leur retour par des centaines de fans massés sur les bords de la route, drapeaux noués autour du cou, écharpes et casquettes aux couleurs de l'équipe nationale. C'est un avant-goût de l'ambiance qui attend le Stade de France demain. Une ambiance de derby.