Pendant longtemps, les avantages compétitifs dits ‟durables" ont été considérés comme la réponse clé pour assurer le succès des entreprises. La complexité grandissante des marchés rend cette approche moins pertinente. Il apparaît que c'est plutôt dans la qualité de leur management que réside la rentabilité des entreprises. La plupart des spécialistes de la stratégie d'entreprise ont, peu ou prou, été influencés par le livre de Michael Porter "L'Avantage compétitif". Rappelons que dans cet ouvrage Michael Porter expliquait qu'en optimisant les différents composants qui constituent la chaîne de valeur, l'entreprise pouvait gagner en compétitivité face à ses concurrents. Très vite ce livre est devenu un bestseller, et son auteur, professeur de stratégie d'entreprise à l'université Harvard, une star du management. L'Avantage compétitif est paru pour la première fois en 1985, il y a plus de trente ans. Depuis, l'environnement compétitif a sensiblement évolué : les concurrents comme les consommateurs sont devenus moins prévisibles, les barrières d'entrées sont devenues plus poreuses avec la mondialisation, de nouvelles forces sont venues bouleverser le paysage comme la révolution numérique. Autant d'éléments qui relativisent les principes proposés par Michael Porter dans son livre. Rita Gunther McGrath, professeur à Columbia Business School, est l'un de ceux qui remettent en question l'approche de la chaîne de valeur de Porter avec son livre "The End of Competitive Advantage" (la fin de l'avantage compétitif) (1). À l'appui de nombreux exemples de réussites remarquables et d'échecs patents, l'auteure nous propose une relecture des approches traditionnelles de stratégie compétitive qu'elle synthétise dans le concept de "Transient advantage" (l'avantage éphémère). Pour elle, il n'est plus possible de bâtir des avantages compétitifs durables, mais plutôt des avantages compétitifs éphémères. Pour cela, il faudra déployer une agilité suffisante pour saisir le plus vite possible les changements de l'environnement compétitif et d'y répondre par des solutions adaptées. On trouvera un résumé de son livre dans un article de la Harvard Business Review paru en 2013. (https://hbr.org/2013/06/transient-advantage). Adopter cette approche requiert un style de leadership qui donne une grande marge de manœuvre aux managers de terrain et, surtout, qui favorise la collaboration entre les différents services de l'entreprise. L'organisation dite en silos" est en effet un mal absolu dans la plupart des entreprises. Ce qui arrive quand les différentes structures vivent en vase clos, veillant essentiellement à maximiser leur propre efficacité, perdant de vue le principe de synergie et le besoin aujourd'hui vital de vitesse dans la prise décision et dans l'exécution. Dans un environnement de plus en plus complexe, les organisations en silos deviennent de vrais freins à l'efficacité. À cet égard, on cite souvent le cas du développement de l'IPod d'Apple qui, en adoptant une organisation holistique, a réussi à surclasser les efforts de Sony, traditionnellement mieux préparé mais avec une organisation trop fragmentée. La collaboration suppose un style de management innovant, basé fondamentalement sur la promotion du travail d'équipe, où les idées des collaborateurs sont valorisées par le management à travers une écoute active. Jim Cook, le nouveau CEO d'Apple, le synthétise magnifiquement sur YouTube(https://www.youtube.com/watch?v=EZPYLZ7I6gs). Que les Algériens seraient inaptes à délivrer de la qualité dans les services est une opinion largement répandue. Rien n'est plus faux ! L'auteur de ces lignes peut témoigner de son expérience auprès d'un hôtel dans le sud algérien qu'il fréquente régulièrement et où il a pu observer un niveau de qualité de service qui n'existe pas dans des établissements plus huppés dans le Nord. À quoi cela tient-il ? Au niveau exceptionnel de collaboration entre les différents services (réservation, restauration, hébergement...), tous centrés sur le client. Ce qui permet de répondre le plus vite possible et plus efficacement à ses sollicitations. Cette forme de collaboration c'est précisément ce que Rita McGrath met en avant dans le style de management propice à la mise en œuvre du "transient advantage". Comment ce style a-t-il pu émerger dans ce petit hôtel du sud algérien ? Probablement pour trois raisons. D'abord, les employés sont des professionnels confirmés, chacun dans sa spécialité. Ensuite, se connaissant bien les uns les autres, ils ont développé un sentiment de respect mutuel entre eux. Enfin, ils ont tous le même souci de défendre la réputation de leur établissement. En fait, le cocktail idéal pour le travail d'équipe efficace. Il n'est pas inutile de préciser qu'il s'agit d'un hôtel appartenant à une chaîne publique !
1- The End of Competitive Advantage : How to Keep Your Strategy Moving As Fast As Your Business. Harvard Business Review Press (2012).