Contrairement à l'opinion généralement admise, les salariés algériens recèlent de puissants moteurs de motivation. C'est la mission de leurs managers de mettre ces moteurs en mouvement. La motivation des salariés est une question centrale pour le management. Centrale, parce qu'elle conditionne directement les performances de l'entreprise. Mais question complexe, tant ses dimensions sont multiples. C'est, bien sûr, une question qui intéresse les entreprises algériennes d'autant plus que leurs salariés présentent l'un des niveaux de motivation parmi les plus bas au monde comme l'a révélé le sondage Gallup cité dans "Parlons management !" du 25 mars dernier (1). Les théoriciens du management ont proposé plusieurs approches pour répondre à la question de la motivation. Parmi celles-ci, l'apport de Frederick Herzberg est considéré comme l'un des plus novateurs. Dans son célèbre article paru dans la Harvard Business Review la première fois en 1968 et réédité en 1987 (2), Herzberg nous a fourni la compréhension la plus complète de la motivation avec sa théorie dite des "2 facteurs". Rappelons brièvement ce que nous dit Herzberg. En premier lieu, il montre que les méthodes classiques de motivation sont peu efficaces. Pour les qualifier il utilise la savoureuse expression de KITA ("Kick In The Ass" : coup de pied au c... , en français) basée sur le principe de la carotte et du bâton. Herzberg estime, au contraire, qu'il faut rechercher les sources de la motivation chez les salariés eux-mêmes. Pour cela, il considère que deux ensembles de facteurs conditionnent la satisfaction/insatisfaction au travail. D'un côté, les facteurs d'hygiène ; et de l'autre, les facteurs de motivation. Les facteurs d'hygiène sont le salaire, le statut, la sécurité, les relations avec les collègues, les conditions de travail, la politique de l'entreprise. Les facteurs de motivation incluent l'accomplissement, la reconnaissance du travail bien fait, la responsabilité, les possibilités de promotion et surtout, le travail lui-même. Les facteurs d'hygiène causent la non-satisfaction au travail lorsqu'ils ne sont pas présents, mais ne sont pas source de motivation lorsqu'ils sont remplis. Ce sont, au contraire, les facteurs de motivation qui déterminent la motivation quand ils sont mis en œuvre. Pour les mettre en œuvre, Herzberg propose l'enrichissement des tâches (job enrichment). Dans sa vision, l'enrichissement des tâches consiste à déléguer davantage de tâches au salarié en le responsabilisant, lui confier des tâches moins parcellisées mais regroupées vers des objectifs opérationnels clairs, lui donner plus de marge de manœuvre dans les décisions, substituer au contrôle classique la production de rapports d'activité discutés avec son manager et lui exprimer sa reconnaissance pour les succès, lui confier des tâches de plus en plus nouvelles et/ou challengeantes pour développer son expertise. Ainsi, plus de 30 ans avant que le terme ne soit devenu populaire dans le langage du management, Herzberg, avec son concept de job enrichment lié à la motivation, a posé les bases de l'empowerment. Que peut apporter aujourd'hui l'approche de Herzberg à la question de la motivation des salariés algériens ? Comme nous l'avons rappelé dans le papier précédent, le salarié algérien présente une orientation au travail fortement expressive (3). C'est-à-dire qu'il tire sa motivation essentiellement de la tâche qu'on lui confie... à condition qu'elle soit accompagnée d'un empowerment effectif. Une orientation dite expressive au travail souligne que la satisfaction au travail se trouve d'abord dans le travail lui-même : le salarié désire se développer lui-même au moyen de son travail lui permettant d'utiliser ses capacités et prouver ses possibilités de développement personnel. Nous avons donc là, nous Algériens, un gisement de motivation exceptionnel qui ne demande qu'à s'exprimer ! Or, et c'est là que le bât blesse, les managers algériens sont généralement peu préparés à l'empowerment. Ils restent, pour la plupart, marqués par le style Command & Control et n'ont pas intégré les valeurs de leadership sans lesquelles ils ne pourront pas déployer un empowerment effectif vis-à-vis de leurs collaborateurs. Le changement indispensable pour pouvoir exploiter cette disposition heureuse des salariés algériens doit être mené d'abord au sommet de la pyramide hiérarchique. Si le top management ne modifie pas en profondeur sa façon de traiter ses collaborateurs, l'entreprise algérienne restera lourdement handicapée dans sa recherche de la compétitivité. Une dernière réflexion à méditer pour le top management : souvent, quand un collaborateur de valeur s'en va, ce n'est pas tant l'entreprise qu'il décide de quitter, mais son supérieur qu'il ne supporte plus ! S. S. 1. http://www.gallup.com/poll/165269/worldwide-employees-engaged-work.aspx 2. Fr. H ERZBERG - One more time: How do you motivate employees? Harvard Business Review Classic. Sep-Oct. 1987, p. 4-16. 3. Culture & Gestion en Algérie. D. Mercure, S. Seghir et al. (L'Harmattan -1997 ; Les Editions Anep-2006).