L'Etat de droit est, par ailleurs, en train de s'effacer par le haut, conséquence de l'absolutisme présidentiel d'Erdogan. Avec l'étouffement des derniers espaces d'expression démocratiques, ne reste donc que le droit du plus fort. Dimanche, plus d'un million de personnes ont écouté et applaudi religieusement à Istanbul, sur l'esplanade de Yenikapi, leur président Erdogan qui célébrait sa victoire sur le coup d'Etat manqué d'une partie de l'armée, qui a ouvert une voie express pour la réalisation des ambitions autoritaristes du fondateur de l'AKP, parti islamiste au pouvoir depuis 2012. La marée humaine rouge est surtout une démonstration de force face à des pays occidentaux très critiques sur sa politique hyper-répressive. Erdogan a renversé la situation grâce au soutien aveugle d'une partie de la population qui a voté pour lui et son parti mais aussi en jouant habilement sur le réflexe nationaliste majoritaire dans le pays, incarcérant par bus entiers les opposants à son régime et à ses rêves de califat. Pratiquement, aujourd'hui, il n'y aurait plus que les Kurdes à lui tenir tête. D'ailleurs, il a les a exclus de son ouverture à l'opposition. Les Kurdes à voir la manifestation de dimanche ont de quoi être inquiets, Erdogan en parfait populiste a besoin d'ennemis intérieurs pour poursuivre sa croisade comme il besoin de l'épouvantail étranger pour maintenir en état de mobilisation ses ouailles. Son triomphe sur la seconde armée de l'Otan, qualifié par lui même de "cadeau de Dieu", a beau susciter de sévères critiques dans les capitales occidentales, il ne rate plus l'occasion de ne plus prendre de gants avec quiconque, ni les Etats-Unis, son allié stratégique, ni l'Allemagne qui héberge quelque trois millions de Turcs. Pour les observateurs, toute cette agitation d'Erdogan annonce de fait des jours sombres pour la Turquie. La répression féroce aura, d'une façon ou d'une autre, des conséquences. L'armée, les services de sécurité au sens large, la justice, l'éducation, les universités, les médias, la presse, la santé et le football n'ont pas été épargnés. L'Etat de droit est, par ailleurs, en train de s'effacer par le haut, conséquence de l'absolutisme présidentiel d'Erdogan. Avec l'étouffement des derniers espaces d'expression démocratiques, ne reste donc que le droit du plus fort. Quand le droit n'est plus un fondamental accessible, la violence s'installe vite. Le PKK (kurde) est déjà reparti dans une guerre à outrance. Les forces de sécurité en partie décapitées, ainsi que le service national de renseignement, sont maintenant placées sous le contrôle direct de la présidence, ce qui ne les rendra pas plus capables de faire face aux multiples défis sécuritaires qui menacent l'intégrité du pays. Des politologues prédisent la montée de la radicalité, Erdogan s'étant arrogé tous les espaces. Celui qui rêve de réhabiliter le trône de Sulaiman le magnifique s'en est pris même à son propre parti soumis également à la purge. Et il y toujours Daech, auparavant bien vu par Erdogan, protégé, soutenu par lui, qui a commencé à lui faire payer son revirement (fermeture de la frontière aux terroristes, bombardement de positions de l'Etat islamique). Au fond, le triomphe d'Erdogan n'est que de circonstance. L'horizon turc se présente plutôt sous forme d'abîme. La question est quand le pays y basculera. C'est l'épilogue de tout régime absolutiste. D. Bouatta