Pour honorer D'zaïr Chaïb, première chahida (martyre) de la guerre de Libération nationale, tombée sous les balles de la soldatesque coloniale le 19 novembre 1954, l'Agence nationale d'édition et de publicité (Anep), avait décidé d'en baptiser sa première librairie, située au cœur de la capitale. Inaugurée en grande pompe par le ministre de la Communication Hamid Grine, ce nouvel espace littéraire, dédié à cette figure oubliée de la Révolution ne saurait, à lui seul, rendre justice à cette chahida au nom prédestiné. Et pour cause ! Aucun établissement, aucune place publique, aucune rue ne porte le nom de D'zaïr Chaïb. Même la stèle commémorative installée sur les lieux mêmes de son décès ne porte pas son nom. Fille de Dali Bennchouaf, propriétaire terrien, D'zaïr avait, semble-t-il, une vie toute tracée avant cette fatidique attaque par l'armée coloniale de la ferme de son père située près de Medjez Sfa dans la wilaya de Guelma au pied des monts de Béni Salah. D'zaïr décèdera les armes à la main aux côtés de huit valeureux moudjahidine de la région d'Annaba à leur tête le chahid Badji Mokhtar, membre du groupe des 22 initiateurs de la lutte armée. Pour rappel, ce dernier venait de participer aux premières opérations du déclenchement de la Révolution avec l'attaque de la mine d'El Bernous et le minage du pont du chemin de fer de Aïn Tahmamine, dans la région de Souk Ahras. Repéré et encerclé avec son groupe par l'ennemi colonial, le chahid trouvera la mort à la suite d'un très long accrochage. Ces faits connus n'en comportent pas moins une grosse lacune qui n'a sûrement pas été rattrapée par la seule librairie étatique. Ce geste, somme toute, modeste ne saurait, convenons-en, tirer à lui seul de l'oubli et rendre justice à cette héroïne méconnue. Il s'agit donc de rendre véritablement hommage à ce dévouement exemplaire d'une jeune Algérienne, qui dans un véritable don de soi a voulu partager le sort des premiers martyrs de la révolution à leur tête le valeureux Badji Mokhtar. Son action héroïque passe, en effet, pour être le premier fait d'armes connu de la gent féminine durant la guerre de Libération nationale. Et pourtant, l'Histoire ne s'est souvenue que du sacrifice du membre du groupe des 22 et de ses hommes. Ne faudrait-il pas attribuer aujourd'hui son nom (et ceux de toutes les autres) à une voie ou à un édifice public plus important, du moins plus en rapport avec sa contribution, citée, du reste, en exemple ? Le but est donc de préserver de l'oubli cette héroïne envers laquelle l'Etat algérien a, assurément, une dette imprescriptible. Mohamed-Chérif Lachichi