Andrew Jewell, économiste principal au FMI, estime que "des transferts monétaires ciblés se révéleraient plus efficaces pour protéger les pauvres et moins onéreux que les subventions actuelles". Les services du Fonds monétaire international (FMI) recommandent à l'Algérie de supprimer par étapes l'essentiel de ses subventions généralisées et de les remplacer par un programme de transferts monétaires ciblant précisément les ménages à faible revenu. Dans un blog, Andrew Jewell, économiste principal au département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, estime que "des transferts monétaires ciblés se révéleraient plus efficaces pour protéger les pauvres et moins onéreux que les subventions. L'Etat pourrait ainsi consacrer davantage de dépenses aux infrastructures, à l'éducation et à la santé par exemple, ce qui pourrait stimuler la croissance et l'emploi". Andrew Jewell reconnaît que la suppression progressive des subventions généralisées ne sera pas une tâche facile. "La réforme devrait être soigneusement préparée et présentée à la population. Les dirigeants doivent parvenir à un consensus sur les modalités de la répartition du poids de l'ajustement entre les citoyens. La suppression des subventions devrait aller de pair avec la mise en place de mesures de compensation destinées à protéger les pauvres", suggère-t-il. "Pour éviter un dérapage de la réforme, il faudrait créer un mécanisme de fixation des prix dépolitisé et fondé sur des règles, par exemple en corrélant systématiquement les prix intérieurs des produits énergétiques aux cours mondiaux", ajoute-t-il. L'économiste principal au département Moyen-Orient et Asie centrale rappelle que début 2016, le gouvernement algérien a augmenté le prix de l'essence et d'autres produits énergétiques pour la première fois depuis 2005. "Pour autant, malgré une hausse sensible de 34%, l'essence algérienne figure toujours parmi les moins chères au monde : son prix est un peu plus élevé que celui de l'eau minérale", constate Andrew Jewell, relevant qu'en Algérie, la plupart des subventions profitent davantage aux riches qu'aux pauvres. Le graphique ci-dessous le démontre très bien. "Les 20% d'Algériens les plus riches consomment six fois plus de carburant que les 20% les plus pauvres", affirme le responsable du FMI. "Cela signifie que les subventions aux carburants sont régressives : plus vous êtes riche, plus vous en bénéficiez. De nombreuses autres subventions sont régressives en Algérie, à des degrés divers. À titre d'exemple, les subventions à l'électricité profitent aussi de manière disproportionnée aux riches, qui sont plus susceptibles d'être raccordés au réseau électrique national et possèdent des maisons plus grandes équipées de la climatisation", avance Andrew Jewell. Certaines subventions présentent d'autres gros inconvénients. "Ainsi, les prix bas de l'énergie ont entraîné une progression rapide de la consommation d'énergie dans le pays. Par conséquent, l'Algérie exporte moins de pétrole et de gaz, ce qui provoque une diminution des recettes budgétaires et une aggravation de la pollution et des embouteillages locaux. Les fortes subventions à certains produits encouragent aussi la contrebande vers les pays voisins", souligne l'économiste du FMI. Par ailleurs, les subventions ont un coût élevé en Algérie, ce qui s'avère d'autant plus problématique à une période où le pays enregistre des déficits budgétaires record à la suite de la chute des cours pétroliers mondiaux. Les services du FMI estiment que les subventions ont coûté aux pouvoirs publics environ 14% du PIB en 2015, soit pratiquement autant que le déficit budgétaire lui-même et le double des budgets cumulés des ministères de la Santé et de l'Education. Les subventions à l'énergie régressives sont à l'origine de plus de la moitié de ce coût. Pour le FMI, le système de subventions algérien ne permet pas d'aider efficacement les pauvres, crée des distorsions qui sont préjudiciables à l'économie et à l'environnement et évince d'autres dépenses importantes. Meziane Rabhi