Choisissant le moment opportun du déroulement du pèlerinage, l'Iran remet sur la table la question de la gestion des Lieux saints de l'islam, en Arabie saoudite, en demandant aux musulmans de réfléchir sur le sujet. Exhortant les musulmans à "réfléchir sérieusement à la gestion des Lieux saints, dont les deux plus importants de l'islam, La Mecque et Médine, situés en Arabie saoudite", le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a ouvert le feu hier sur les dirigeants saoudiens à quelques jours du grand pèlerinage. "Le monde musulman, aussi bien les gouvernements que les peuples, doit connaître les dirigeants saoudiens et leur nature irrévérencieuse, non croyante et dépendante", a-t-il dénoncé dans un message. "Sinon, le monde musulman sera confronté à des problèmes plus grands", a également averti le plus haut responsable iranien. Il ne fait aucun doute que l'absence de pèlerins iraniens à cette manifestation religieuse, en raison de la gigantesque bousculade qui avait endeuillé le Hadj de l'année écoulée avec un bilan de 2 300 morts, dont 464 Iraniens, est la raison de cette attaque du numéro un iranien. Depuis cet incident, Riyad et Téhéran n'ont pas réussi à trouver un accord pour l'envoi cette année des pèlerins iraniens à La Mecque alors qu'ils étaient 60 000 en 2015. Pour information, c'est la première fois depuis presque trois décennies que des Iraniens sont empêchés de prendre part au Hadj. Et l'Iran accuse bien sûr l'Arabie saoudite d'entraves sur le dossier. Cela étant, Ali Khamenei qui a le dernier mot dans les grands dossiers de politique intérieure et extérieure du pays, traduit par ses nouvelles attaques la persistance des tensions entre l'Iran chiite et l'Arabie saoudite sunnite. Les deux puissances régionales rivales cherchent à étendre leur influence dans cette partie du monde. "Les dirigeants saoudiens qui ont bloqué le chemin du Hadj aux fidèles iraniens, sont des égarés honteux qui voient la continuation de leur pouvoir oppressif dans (...) l'alliance avec le sionisme et les Etats-Unis et ne renoncent à aucune trahison sur ce chemin", a accusé l'ayatollah Khamenei. "Les dirigeants saoudiens, au lieu de présenter des excuses (...) se mettent en position d'accusateurs et révèlent leur animosité ancienne à l'égard de la République islamique d'Iran qui porte le drapeau de l'islam face aux infidèles et à l'oppression", a-t-il ajouté. Allant plus loin dans ses critiques, il a critiqué la politique de l'Arabie saoudite dans toute la région en affirmant que "les dirigeants qui forment, arment les groupes takfiris et rebelles, et ont plongé le monde musulman dans les guerres internes (...)", "ont mis à feu et à sang le Yémen, l'Irak, Cham (Syrie), la Libye et d'autres pays de la région". Il va sans dire qu'Ali Khamenei a mis l'accent sur les bombardements de l'Arabie saoudite et sa coalition au Yémen, où Téhéran soutient les rebelles houthis qui contrôlent depuis plus d'un an la capitale Sanaa. Cette nouvelle charge iranienne intervient après la crise, qui avait éclaté entre les deux pays en janvier dernier, suite à l'attaque contre l'ambassade saoudienne à Téhéran par des manifestants protestant contre l'exécution du cheikh Nimr, une figure de la contestation chiite contre le régime saoudien sunnite, et dont la conséquence aura été la décision de Riyad de rompre ses relations diplomatiques avec l'Iran. Depuis les relations commerciales et les liaisons aériennes avec Téhéran sont rompues. Aucun signe de détente ne se profile à l'horizon, bien au contraire chacune des deux parties s'attelle à critiquer l'autre à la moindre occasion. Merzak Tigrine