La polémique n'est pas près de prendre fin La guerre des mots entre Iraniens et Saoudiens s'est encore envenimée hier à la suite de la catastrophe du pèlerinage de La Mecque et de l'interception sur un bateau iranien d'armes destinées aux rebelles chiites au Yémen. Près d'une semaine après la tragique bousculade ayant coûté la vie à 769 pèlerins, le guide suprême iranien a tapé du poing sur la table. Ali Khamenei a averti que son pays réagirait «durement» si l'Arabie saoudite ne remplissait pas «son devoir» de renvoyer rapidement en Iran les corps des 239 Iraniens morts dans ce drame. Quelques heures auparavant, l'Arabie saoudite avait montré du doigt son rival régional en annonçant l'arraisonnement d'un bateau présumé iranien chargé d'armes pour les Houthis, en violation d'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU imposant un embargo sur les armes contre ces rebelles au Yémen. Selon la coalition militaire conduite par l'Arabie au Yémen, parmi les équipements saisis samedi au large de la ville omanaise de Salalah figuraient 18 obus antiblindés, 54 obus antichars BGM17 et des système de guidage de tirs. Outre le capitaine, 14 Iraniens étaient à bord du navire, enregistré comme «embarcation de pêche» en Iran. Le gouvernement yéménite et la coalition accusent régulièrement Téhéran de soutenir activement les Houthis qui se sont emparés de vastes pans du territoire yéménite depuis un an et contrôlent toujours la capitale Sanaa. Principalement composée de pays du Golfe, la coalition impose un blocus maritime au Yémen depuis le début de son intervention en mars en soutien au président Abd Rabbo Mansour Hadi contre les rebelles Houthis. Pour justifier leur intervention, les monarchies du Golfe, Arabie saoudite en tête, affirment vouloir empêcher l'Iran de reproduire au Yémen l'expérience du mouvement chiite Hezbollah au Liban, devenu un acteur politique et militaire incontournable. Depuis la semaine dernière, le drame du pèlerinage de La Mecque, qui a fait de cette édition le hadj le plus meurtrier depuis 25 ans, empoisonne des relations déjà mauvaises entre le royaume wahhabite et la République islamique chiite. L'Iran accuse Riyadh d'incompétence dans l'organisation du hadj, l'un des plus grands rassemblements religieux annuels au monde, alors que Riyadh rétorque en reprochant à Téhéran de chercher à «politiser» la catastrophe. L'exaspération de l'Iran - pays qui de loin a payé le plus lourd tribut dans le drame du pèlerinage - s'est manifestée hier à travers l'intervention de l'ayatollah Ali Khamenei. Si «le gouvernement saoudien ne fait pas son devoir en ce qui concerne le rapatriement des corps», l'Iran «réagira durement», a prévenu le guide suprême. Selon lui, l'Iran «a jusqu'à présent fait preuve de retenue» mais si l'Iran devait réagir, les Saoudiens «ne feront pas le poids». Convoqué au ministère des Affaires étrangères hier pour la quatrième fois depuis le drame, le chargé d'affaires saoudien à Téhéran a de nouveau été sermonné. Il lui a été rappelé qu'aucune des familles des victimes «ne souhaitait d'enterrement en Arabie saoudite» et qu'elles avaient toutes demandé «le rapatriement rapide et respectueux des corps», selon l'agence de presse officielle Irna. Le président iranien Hassan Rohani a écourté son séjour à New York, où il participait à l'Assemblée générale de l'ONU, pour pouvoir assister au retour, initialement prévu mardi, des dépouilles de 130 des 239 pèlerins iraniens morts. Mais des difficultés liées à l'identification des victimes et aux autorisations d'atterrissage des avions en Arabie saoudite ont retardé le rapatriement des corps, selon les autorités iraniennes.