C'est un constat des plus amers sur l'enseignement de tamazight en Algérie que viennent de dresser les enseignants de cette matière dans la wilaya de Béjaïa. Dans une déclaration au vitriol qui a sanctionné une réunion tenue avant-hier, les enseignants de tamazight, organisés en collectif, estiment que l'enseignement de cette matière se heurte à "des problèmes fabriqués de toutes pièces pour freiner sa promotion". "Le manque d'intérêt accordé à son enseignement est flagrant", assènent les signataires de la déclaration qui tiennent à dénoncer "les dépassements de pseudo-responsables censés appliquer les décisions et promouvoir cette matière". Pour les enseignants de tamazight exerçant dans la wilaya de Béjaïa, si en Kabylie, l'enseignement de cette langue consacrée "langue nationale et officielle" à la faveur des derniers amendements de la loi fondamentale du pays progresse, ce n'est pas le cas dans les autres régions où elle est frappée du caractère facultatif. "Si l'enseignement de la langue amazighe concerne de plus en plus d'établissements scolaires et tend à se généraliser en Kabylie, ailleurs, son caractère facultatif freine tout espoir de son épanouissement", constatent les rédacteurs de la déclaration. Et de s'interroger : l'Etat compte-t-il "sauvegarder l'unité nationale et protéger les constantes de la nation avec le caractère facultatif de son enseignement ?". Pour les enseignants de tamazight à Béjaïa, le ministère de l'Education "persiste dans le reniement de ses engagements relatifs à l'enseignement de tamazight arraché après plusieurs décennies de lutte, de privations, d'intimidations et de déni". Pointant du doigt le pouvoir, le collectif rappelle qu'après les multiples déclarations en faveur de tamazight et les nombreuses promesses pour sa généralisation, "le pouvoir a affiché ses intentions réelles en circonscrivant son enseignement". "L'introduction de l'enseignement de tamazight dans toutes les wilayas du pays n'est que poudre aux yeux", estiment-ils. Ils déplorent le nombre "insignifiant" de postes budgétaires et dénoncent "des pressions sur les enseignants", relevant que la même situation est vécue dans d'autres wilayas telles qu'Oran, Tlemcen et Relizane. Les rédacteurs de la déclaration relèvent également les multiples problèmes rencontrés dans l'enseignement de cette langue depuis la rentrée scolaire. Ils citent notamment "la non-application des circulaires ministérielles par certains directeurs et la programmation des séances de tamazight en dehors des horaires pédagogiques, incluant le samedi, les décisions de quelques directeurs zélés qui ont supprimé des postes affectés à cet enseignement". Le collectif a évoqué dans sa déclaration les enseignants de tamazight "qui n'ont pas eu leur emploi du temps", ceux qui sont "obligés d'effectuer des tâches administratives, de gérer des bibliothèques, d'assurer les permanences, d'enseigner d'autres matières" et n'omet pas de signaler "le manque de manuels scolaires dans les établissements. "Il est plus que nécessaire pour nous de nous concerter, de nous organiser et de coordonner nos efforts afin d'entamer une série d'actions pour mettre un terme à cette situation", conclut le collectif qui appelle l'ensemble des enseignants de cette matière à différents paliers et dans toutes les wilayas à "se mobiliser" contre ce qu'ils qualifient de "énième offense aux martyrs de la cause amazighe". H. Kabir