La bruyante sortie du secrétaire général du FLN, Amar Saâdani, le 5 octobre dernier, et dans laquelle il s'est attaqué, avec une rare virulence, à l'ancien patron des services de renseignements et à Abdelaziz Belkhadem ne risque pas d'être rangée de sitôt dans le tiroir à souvenirs. Elle continue de susciter des réactions diverses auprès des acteurs politiques. Hier, à l'ouverture des travaux de la session ordinaire du comité central de son parti, à Zeralda, à l'ouest d'Alger, la secrétaire générale du PT, Mme Louisa Hanoune, a de nouveau chargé le patron du FLN auquel elle prête une "volonté de semer la fitna". "Cette dérive dangereuse a prouvé au monde, dont on est devenu la risée, l'état de dangerosité dans lequel nous a menés la pollution politique qu'aggrave aujourd'hui l'orientation économique", a-t-elle affirmé dans son allocution d'ouverture. "S'attaquer aux institutions, à la Guerre de libération et ses stratégies, toucher aux officiers (algériens) de l'armée française, les présenter comme des traîtres est une atteinte à l'Etat, aux moudjahidine, indirectement au président de la République et à la Révolution", a-t-elle dit. "Nous sommes face à un révisionnisme (...)", a-t-elle ajouté. Selon elle, la Révolution algérienne est "une ligne rouge". "On peut diverger sur tout, c'est une chose ordinaire que de ne pas s'entendre sur certaines questions, mais dépasser la ligne rouge est un crime", a-t-elle asséné, comme pour suggérer que dans une République digne de ce nom, les propos de Saâdani ne peuvent rester sans suite. C'est pourquoi, comme elle l'a fait lors de la dernière réunion du secrétariat de son parti, elle interpelle, de nouveau, le président de la République "car il est le responsable du pays (...) pour que s'arrêtent la dérive morale et la guerre économique et sociale." "Les élections, ce n'est pas une priorité" À l'inverse de nombreux partis politiques, le PT ne fait pas du prochain rendez-vous électoral une priorité, même si la décision de participer ou non devrait être tranchée incessamment. Louisa Hanoune n'a pas manqué, dans ce contexte, de s'interroger sur le choix de la date du 20 avril pour la tenue du scrutin alors qu'il coïncide avec la célébration du printemps berbère. "Pour que les élections marquent un tournant positif, sur le terrain de la recomposition politique, il faut l'assainissement du climat politique par l'éradication de la gangrène du mélange entre les affaires et la politique et offrir les conditions sociales et économiques à même de stopper la détresse grandissante afin que la majorité puisse renouer avec l'acte de voter, c'est-à-dire exercer sa citoyenneté". "Pour nous, il faut rendre confiance aux citoyens en stoppant les attaques et libérer l'Etat des prédateurs, faute de quoi les élections risquent d'être un facteur d'exacerbation de la crise", met-elle en garde. Si elle soutient que son parti "n'a pas de problèmes" avec Abdelwahab Derbal, pressenti pour diriger la haute instance de surveillance des élections, Louisa Hanoune doute, cependant, de "l'indépendance" de cette instance et de "sa capacité à opérer la rupture avec les méthodes passées", notamment pour arrêter le "mélange de l'argent avec la politique" et le contrôle du vote des corps constitués. "Les architectes de la LF 2017 doivent assumer leurs responsabilités" L'autre doute de Mme Hanoune a trait à la pertinence de l'orientation économique. Selon elle, le pays se dirige vers la récession. "Le gouvernement entend-il les cris de détresse de la majorité ?", s'interroge-t-elle, en qualifiant le projet de loi de finances 2017 de "régressif par excellence, antisocial et antinational". Louisa Hanoune considère que la LF 2017 est "une guerre sociale et économique contre la nation". "Elle programme la mort de l'Etat social hérité de la Révolution", dit-elle en assurant "qu'elle n'exagère pas" et que cette situation risque d'"attenter à la sécurité et à l'immunité" du pays. "Les architectes de cette orientation mortelle, pas forcément des ministres, doivent assumer leurs responsabilités". Elle ne manque pas de rappeler aussi que la "misère est le vivier de toute forme d'extrémisme". "Aujourd'hui, il y a péril en la demeure. Cette loi offre sur un plateau d'argent le pays aux multinationales", clame-t-elle, non sans mettre en garde contre le recours à l'endettement extérieur. À ses yeux, le pays est en mesure d'élaborer un budget sur trois ans, pour peu qu'il recouvre les impôts, les taxes des douanes et la récupération des prêts aux riches et celui donné au FMI. "La prédation organisée en système est à l'origine de la banqueroute actuelle et le gouvernement pratique la politique de à l'autruche en s'attaquant à la majorité", soutient-elle. Pour elle, il ne reste à cette majorité que le terrain de la lutte pacifique avec des moyens démocratiques pour "stopper cet engrenage meurtrier". Dans la foulée, elle a souhaité un "succès total" des grèves des 17 et 18 octobre courant auxquelles ont appelé les syndicats autonomes. "Ce sont des revendications légitimes partagées par tous les travailleurs", souligne-t-elle. Enfin, à la veille de la célébration du 1er Novembre, elle a appelé le Président à prendre des "mesures sociales, économiques et politiques pour que les Algériens renouent avec la Révolution". "Est-ce que le Président va prendre des mesures courageuses à la hauteur des défis ?", s'est-elle, toutefois, demandé. Karim Kebir