Directeur du laboratoire de recherche ville, urbanisme et développement durable de l'Ecole polytechnique d'architecture et d'urbanisme (EPAU) d'Alger, le professeur Tahar Baouni revient dans cet entretien sur l'introduction des nouveaux moyens de transport urbain et leurs dysfonctionnements dus, selon lui, à un manque de coordination entre différents acteurs. Ces dernières années, Alger a connu un boom des transports urbains. Est-ce que ce boom a pu répondre aux besoins grandissants en matière de transport dans la capitale ? Effectivement, comme nous le constatons tous, la capitale a connu ces dernières années la mise en service du tramway, du métro, la modernisation du chemin de banlieue avec la mise en service à partir du 1er novembre 2016 de la nouvelle ligne ferroviaire reliant Birtouta à Zéralda ainsi que le transport par câble (réhabilitation et réalisation de nouveaux téléphériques). Certes, l'introduction de ces nouveaux moyens de transport collectif sur rail, notamment le tram et le métro, a amélioré sensiblement les déplacements quotidiens de la population dans la capitale pour des zones bien particulières (hyper-centre pour le métro et quartier périphérique Est pour le tram), mais le problème des déplacements est très aigu dans d'autres parties de la capitale, à savoir les zones ouest, sud-ouest et sud-est. Par ailleurs, ces solutions restent incomplètes car nous ne retrouvons pas une complémentarité avec les autres réseaux de transport (chemin de fer et autobus). À mon avis, le dysfonctionnement des transports urbains à Alger est marqué par l'absence d'une réelle coordination des différents acteurs. L'on note que les stratégies de planification suivies à ce jour font que les nouveaux espaces urbains se situent à l'écart des axes de transport. Il est impératif que les décideurs appuient le développement du transport en cohérence avec l'occupation des sols, sinon toutes les solutions préconisées seront vouées d'avance à l'échec. Un dernier mot, le développement futur du système de transport pour la capitale devrait mettre en exergue les pratiques intermodale et multimodale. Dans ce contexte de raréfaction de ressources financières, quel sera, selon vous, l'impact du gel des projets sur le secteur ? Tout d'abord, il faut savoir que la capitale a bénéficié d'un programme important pour le développement des infrastructures routières et de transport. Pour ce dernier, les différents projets inscrits au programme se poursuivent normalement pour les extensions du métro, la réalisation des gares multimodales, etc. Cependant dans le contexte actuel marqué par la crise financière, les pouvoirs publics sont appelés à trouver d'autres alternatives pour améliorer le quotidien du citoyen en termes de mobilité. Ils doivent orienter leurs choix vers des solutions efficaces et moins coûteuses qui suivent impérativement le développement urbain. Je pense particulièrement au développement d'un réseau de BHNS (Bus Haut Niveau de Service) sur les corridors de déplacement les plus importants. Le réseau de BHNS sera inscrit dans une approche inter et multimodales de tout le système de transport urbain d'Alger. Cette alternative me semble techniquement et financièrement réalisable dans des délais relativement raisonnables. Ceci permettrait de répondre positivement à l'amélioration des conditions de déplacement et prendre en charge la demande de transport sans cesse en évolution dans la capitale. Le ministère évoque l'installation d'une autorité organisatrice des transports urbains. Quelle sera l'apport de cette autorité sur le développement du secteur ? Avant de répondre à votre question, je vous invite à constater le quotidien des transports urbains à Alger et je vous laisse tirer la conclusion. La conséquence est que le système de transport urbain dans la capitale est en crise. De multiples et complexes problèmes ressentis notamment sur le plan institutionnel, organisationnel et réglementaire entravent le développement actuel du système de transport. Donc la mise en place de l'Autorité organisatrice des transports urbains (AOTU) à Alger est capitale afin de mettre de l'ordre dans ce secteur. Evidemment, cette nouvelle institution aura un impact très favorable concernant le développement des transports urbains à Alger. À ce propos, l'AOTU est appelée à définir la politique des déplacements, assurer la régulation ainsi que l'organisation des services de transport collectif, arrêter la politique tarifaire, etc. S. S.