Les arrestations des militants kurdes et pro-kurdes, des opposants au régime islamo-conservateur de Teyyip Recep Erdogan, se multiplient en Turquie, poussant les plus radicaux du Parti des travailleurs du Kurdistan à répondre par la violence et le principal parti pro-kurde à geler son activité parlementaire. Alors qu'un groupe radical kurde a revendiqué les attaques qui secouent le sud-est de la Turquie, majoritairement kurde, le Parti démocratique des peuples (HDP) a annoncé sa décision de boycotter les séances du Parlement, ainsi que le travail des commissions, a indiqué un communiqué de ce mouvement. "Notre groupe parlementaire et les dirigeants de notre parti ont pris la décision de cesser tout travail dans les organes législatifs après cette attaque totale", a-t-il annoncé. Cette décision intervient au lendemain d'une nouvelle vague d'arrestations arbitraires qui ont visé les co-présidents du HDP et d'autres cadres du parti, dont des députés, injustement accusés de "terrorisme" par un régime au pouvoir qui semble prêt à embraser le pays pour arriver à ses fins : instaurer un régime présidentiel qui permettra à Erdogan de verrouiller le jeu politique en Turquie. Les neuf députés, dont les deux coprésidents du HDP, Selahattin Demirtas et Mme Figen Yüksekdag, ont été arrêtés dans la nuit de jeudi à vendredi, puis placés officiellement, vendredi, en détention préventive en attendant leur procès. Ils sont accusés d'appartenir, ou d'être liés au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Samedi, des manifestations des ressortissants turcs ont eu lieu dans plusieurs villes européennes (France, Allemagne et Belgique), pour dénoncer la politique de répression du régime d'Ankara, dont les alliés au sein de l'Otan n'ont pas manqué d'afficher leur inquiétude sans pour autant se montrer fermes. À Istanbul, les manifestants ont été violemment dispersés par la police turque samedi, ont rapporté les médias locaux. Cette manifestation avait été organisée en signe de contestation contre les arrestations des dirigeants du HDP et des journalistes des médias de l'opposition, dans un contexte d'état d'urgence qui offre à Erdogan une véritable occasion de régler ses comptes avec ses détracteurs et de semer le chaos dans le champ politique à Ankara. Dans un entretien publié par le quotidien français La Croix, Clémence Scalbert-Yücel, chercheuse à l'Institut français d'études anatoliennes à Istanbul, a déclaré que le régime islamo-conservateur turc "mène une véritable politique d'éradication de la représentation kurde" et évoque une décapitation du HDP. "Le HDP détenait une centaine de mairies. Elles ont toutes été mises sous tutelle le mois dernier. Les maires ont été dépossédés de leurs fonctions, des responsables ont été nommés à leur place et, dans la foulée, ont fermé des centres culturels, des écoles privées kurdes, etc. Des décrets-lois ont permis ces nominations dans le cadre de l'état d'urgence en vigueur depuis juillet", a-t-elle affirmé, soulignant que "les Kurdes sont particulièrement visés, mais ne sont pas les seuls visés dans cette gigantesque purge qui frappe tous les opposants. Une douzaine de journalistes de Cumhuriyet, le plus grand journal d'opposition, ont été arrêtés le 31 octobre". Lyès Menacer