Au moins 8 personnes ont été tuées et une centaine blessée dans une attaque au véhicule piégé contre un bâtiment de la police à Diyarbakir, dans le sud-est à majorité kurde de la Turquie. La rébellion kurde du PKK est pointée du doigt. "Jusqu'à présent, il y a huit décès, dont deux policiers", a déclaré le Premier ministre turc Binali Yildirim, ajoutant que le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), "a montré à nouveau son visage perfide (...) Ils ont fait exploser un véhicule rempli d'explosifs". M. Yildirim a précisé qu'un séparatiste du PKK figurait au nombre des tués. L'explosion s'est produite dans le quartier de Baglar, près d'un commissariat de police où sont gardés à vue plusieurs des élus du HDP arrêtés la veille dans le cadre d'une enquête antiterroriste, a-t-on appris de sources proches de la sécurité. Au total, douze députés du Parti démocratique des peuples (HDP, pro-kurde) ont été arrêtés, suscitant la préoccupation de l'Union européenne déjà inquiète de l'évolution de la société turque depuis le coup d'Etat manqué du 15 juillet dernier. Les autorités turques, qui leur reprochent d'avoir refusé de témoigner dans des dossiers liés à "la propagande terroriste", assurent que la loi a été respectée.
"Théâtre judiciaire" Selahattin Demirtas et Figen Yuksekdag, qui co-président le parti, ont été arrêtés à leur domicile, à Diyarbakir, pour le premier et à Ankara pour la seconde. Lors d'une conférence de presse, le porte-parole du HDP a dénoncé une "opération politique" dont l'objectif, a ajouté Ayhan Bilgen, est de provoquer une "guerre civile" et d'éradiquer un parti qui a réuni plus de cinq millions de voix lors des deux élections législatives de l'année dernière. Selahattin Demirtas, candidat à l'élection présidentielle remportée en 2014 par Recep Tayyip Erdogan, a déclaré pour sa part qu'il était prêt à répondre de ses actes "devant une justice équitable et impartiale". "Mais je refuse d'être un acteur d'un théâtre judiciaire juste parce qu'Erdogan, dont le propre passé politique est suspect, l'a ordonné", ajoute-t-il sur Twitter. La police a également mené des perquisitions dans les locaux du HDP à Ankara. Des images diffusées par la télévision montrent des responsables du parti apostrophant la police et un journaliste de Reuters a constaté que des véhicules de police bouclaient les alentours du bâtiment.
Réactions internationales Federica Mogherini, la Haute Représentante de l'UE pour la politique extérieure et de sécurité commune, s'est dite "extrêmement préoccupée par l'arrestation de Demirtas et des autres élus du HDP". Elle a ajouté être en contact avec les autorités, appelant à une réunion des ambassadeurs de l'UE en poste à Ankara. "C'est une très mauvaise nouvelle pour la Turquie. Encore une fois", a déploré pour sa part la Néerlandaise Kati Piri, rapporteur du Parlement européen sur la Turquie. A Berlin, le ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a demandé que le chargé d'affaires turc soit convoqué. "Les arrestations de responsables et d'élus du HDP kurde constituent aux yeux du ministre une nouvelle intensification dramatique de la situation", rapportent ses services dans un communiqué.
Revendication de l'EI Amaq, l'organe de propagande de l'EI, a affirmé vendredi soir que le groupe sunnite extrémiste était responsable de l'attentat à Diyarbakir, en Turquie, rapporte le centre de surveillance des mouvements djihadistes SITE. L'attaque a fait neuf morts et plus de 100 blessés. "Selon une source interne pour l'agence Amaq: des combattants de l'Etat islamique ont fait exploser un véhicule bourré d'explosifs garé devant un poste de la police turque à Diyarbakir, dans le sud-est de la Turquie", a indiqué SITE. Le centre de surveillance a précisé que le message avait été posté sur la messagerie cryptée Telegram. Le premier ministre turc Binali Yildirim avait attribué l'attaque au parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation classée "terroriste" par Ankara, Washington et Bruxelles.
Appel de Baghdadi Le leader du groupe EI, Abou Bakr al-Baghdadi avait appelé jeudi ses soldats à attaquer la Turquie pour se venger d'Ankara, très impliquée dans la lutte contre les djihadistes en Irak et en Syrie. Le même jour, les autorités turques avaient arrêté treize députés du parti démocratique des peuples (HDP, pro-kurde), dont les deux dirigeants de la formation, Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag. Les deux chefs et cinq autres députés ont été placés en détention préventive dans le cadre d'une enquête "antiterroriste" liée au PKK, selon l'agence progouvernementale turque Anadolu. Le HDP est le deuxième parti d'opposition en Turquie. Il a estimé dans un communiqué que les arrestations marquaient "la fin de la démocratie" dans le pays.