La trentaine à peine entamée, Lamia Aït Amara, cette jeune interprète de musique andalouse, qui a fait ses classes chez les grands noms de ce genre musical comme Smaïl Hini et Youcef Ouznadji, est déjà une figure bien connue dans la scène du chant andalou. Maniant des instruments comme le violon, le r'bab, ou encore le oud, en plus d'une voix angélique, l'artiste a subjugué avant-hier dans la soirée, à la salle Ibn Khaldoun, son public, composé d'amateurs, et d'autres, venus découvrir cette musique ancestrale. Le projet musical Evasion Andalouse est l'aboutissement de la rencontre avec le chef d'orchestre Khalil Baba Ahmed, en créant un spectacle sonore, mêlant à la fois l'originalité et le purisme de la musique arabo-andalouse à d'autres musiques universelles. Avant d'entamer le concert, l'artiste, arrivée sur scène en tenue traditionnelle qui lui allait si bien, a tenu à souligner que "ce concert était dédié à une personne qui m'a touchée par son message, une personne atteinte d'un cancer qui m'a écrit de son lit d'hôpital en me demandant de lui dédier une chanson. Mais je ne vais pas seulement lui en consacrer une, mais tout le concert de ce soir", a déclaré la chanteuse. Par ailleurs, l'orchestre du maestro Khalil Baba Ahmed, qui menait d'une main de maître sa formation dynamique, a accompagné ce concert qui s'est distingué par son originalité et son hétérogénéité. En effet, cette collaboration avec le chef d'orchestre tlemcénien a donné naissance à une formation composée, d'un côté, d'un quatuor de musique classique, composé de musiciens de l'orchestre symphonique national, comme le violon, l'atlo, le violencelle et la contrebasse. Et de l'autre, une cellule de musique traditionnelle comme le qanun, le oud, le tambour ou encore le bendir. Lamia, qu'on devine stressée à son arrivée sur scène, se lâche peu à peu, en interprétant des chansons aux rythmes chaâbi, haouzi, oriental, ainsi que des harmonies turques et universelles. Le public ne s'est d'ailleurs pas fait prier pour se laisser envoûter par la voix à la fois suave et puissante de la chanteuse, à travers des titres comme Taht el-yasmine fellil, Yamen saken sadri ou encore Mani âaref mandir. On s'aperçoit par ailleurs de la singularité et du piquant de cette cohabitation artistique des plus ingénieuses, tant le mélange des sonorités du violon, du qanun, ou encore du oud apportent une touche unique et des mélodies des plus savoureuses, au travers desquelles le public se laissera complètement transporter. La deuxième chanson, que l'artiste dédie à ses enfants, a été composée par le maître de l'andalou Noureddine Saoudi (membre fondateur des associations de musique andalouse Essendoussia et Fakhardjia), présent ce soir-là, et auquel Lamia a d'ailleurs rendu un vibrant hommage. "Cette chanson m'est particulièrement chère", a confessé l'artiste : "Je la chante avec beaucoup d'amour. Elle porte d'ailleurs les initiales de mes deux amours, mes enfants." Outre la voix de rossignol dont le public s'est délecté vendredi soir, l'artiste a réussi à créer un lien avec son public, grâce à sa forte présence scénique, les sourires qu'elle distribuait aux spectateurs, et l'émotion visible qu'elle dégageait en interprétant chacune des chansons. La jeune interprète, qui a pour rappel sorti son premier album en octobre dernier, a tout pour devenir l'une des voix emblématiques de la musique andalouse algérienne, avec sa capacité à passer d'un registre à un autre, d'un genre à un autre, et à sa grande maîtrise vocale ainsi que sa tessiture hétéroclite, sans oublier la faciliter avec laquelle elle fusionne avec ses musiciens et son public. Yasmine Azzouz