Résumé : Kader était trop vieux pour travailler la terre sèche et abandonnée depuis des décennies. Il regrette d'avoir écouté sa femme. Sa vie a basculé. Le petit ne cessait de pleurer et de réclamer sa mère. Le vieil homme aurait dû conduire l'enfant au commissariat du quartier au lieu de l'emmener à la maison. Seulement comme l'enfant semblait affamé et trop sale, il avait cru bien faire en demandant à Khadidja de lui donner quelque chose à manger et de le laver. C'était donc compter sans la suite de ces événements qui, tout compte fait, ne l'arrangeait pas du tout. Que pourra-t-il faire maintenant ? Se rendre à la police et remettre l'enfant ? Que va-t-on lui dire ? Qu'il a kidnappé ce gosse et qu'il s'était enfui. Il payera alors le double tribut d'un délit de rapt d'enfant et de fuite. Pourquoi s'était-il donc mis dans de tels draps ? Pourquoi n'avait-il pas résisté aux desseins machiavéliques de sa folle de femme ? -Tu es encore là ? Il sursaute. Khadidja se tenait devant lui en tenant la main au petit. Il soupire. -Oui. Où veux-tu donc que j'aille ? -Je ne sais pas. Peut-être au village pour prendre un café. -Au village ? Non, merci. Mes vieilles jambes ne peuvent pas monter aussi allègrement qu'autrefois la côte pour rentrer, ni faire plusieurs kilomètres. Il jette un coup d'œil à Sofiane, qui mangeait du chocolat. Il avait les mains gluantes et le menton barbouillé. -Khadidja, ne ferait-on pas mieux de rentrer chez nous et de rendre ce petit à ses parents ? Sa femme écarquille les yeux. -Tu ne parles pas sérieusement, Kader. Il secoue la tête. -Je n'ai jamais été aussi sérieux de ma vie. Nous n'avons pas le droit de garder ce pauvre petit avec nous, ni priver ses parents de sa présence. Nous sommes des êtres ignobles, Khadidja. Des monstres ! Elle fait la moue. -Tu ne disais pas ça lorsque tu l'avais ramené à la maison. -Certes. Mais je ne pensais pas que tout allait basculer pour nous. Nous sommes un vieux couple. Nous avons vécu de longues années ensemble. Si Dieu nous a privés d'enfants, c'est qu'il a de bonnes raisons. -Je suis d'accord sur ce point. Mais Il nous a envoyé aussi ce petit chérubin, et nous n'avons pas le droit de le renvoyer à ses parents. -Il nous a envoyé ce petit pour tester notre croyance et notre foi en Lui. Nous n'avons pas le droit de Le décevoir dans nos vieux jours, ni de terminer nos vies en prison. -En prison ? Qui parle de prison ? -Tu iras en prison, Khadidja. Nous irons tous les deux en prison. Nous avons commis une infraction à la loi en gardant ce gosse. Pis encore, nous nous sommes enfuis en l'emmenant avec nous. Comment peux-tu argumenter ces deux délits ? Elle hausse les épaules. -Tu penses toujours au pire, vieil homme. Elle entoure les épaules de l'enfant de son bras. -Tu veux remettre ce petit ange à la police ? -Pas uniquement. Ce petit a des parents qui doivent se faire un sang d'encre pour lui. -S'ils tenaient à lui, ils ne l'auraient pas lâché dans la nature. Heureux encore qu'il soit tombé sur nous. -Nous ne connaissons rien de cette affaire, ni sur la famille de cet enfant. Il soupire. -Je t'en prie Khadidja, sois indulgente. Nous allons nous enfoncer davantage dans une affaire des plus scabreuses. Plus tôt nous nous rendons à la police, mieux nous nous en sortirons. Elle se met à rire avant de rétorquer : -Tu fais bien tes calculs, vieil homme. Et comment vas-tu expliquer la présence de cet enfant avec nous ? Il se gratte la tête, puis lance : -Je... Nous dirons que nous l'avons rencontré errant sur la route. -Et si un voisin nous a surpris avec lui ? -Je ne pense pas. Il était trop tôt quand je l'ai trouvé. Et même dans ce cas précis, si nous expliquons plus logiquement les choses, les parents seront tellement heureux de retrouver leur enfant qu'ils vont peut-être passer l'éponge. (À suivre) Y. H.