Présenté comme un remède miracle avec un appui promotionnel officiel, le complément alimentaire RHB est aujourd'hui au cœur d'une polémique. D'une invention révolutionnaire qui mettrait fin au diabète, l'affaire RHB (Rahmat Rabi) s'est muée en un scandale lorsque "les mensonges" de son inventeur ont fini par éclater au grand jour. Ce dernier vient, en effet, de reconnaître qu'il n'avait aucun diplôme en médecine. Il y a quelques jours pourtant, le RHB, un produit pharmaceutique sous forme d'un complément alimentaire destiné aux personnes diabétiques, ne laissait personne, ou presque, indifférent, à Constantine notamment, ville natale de Toufik Zaïbet. En effet, ce nouveau produit — conçu par celui qui se qualifiait comme "docteur en médecine" —, dont la boîte contient 56 comprimés, était vendu depuis sa commercialisation, il y a une dizaine de jours, à 1 760 DA dans une partie des officines à Constantine et à El-Khroub. Sa vente a provoqué durant les premières heures de sa mise en vente un vrai engouement chez la population comme le démontrent ces interminables chaînes devant les pharmacies. "Je suis là depuis les toutes premières heures de la matinée pour pouvoir avoir une ou deux boîtes de ce nouveau produit", nous dit un citoyen rencontré devant une des pharmacies du centre-ville. Durant notre tournée, nous avons, par ailleurs, constaté que ce "complément alimentaire" n'a pas été distribué à parts égales au niveau de toutes les officines. "Nous avons reçu 6 boîtes seulement alors que d'autres pharmacies ont été généreusement livrées", nous dit une vendeuse dans une pharmacie à la cité Boussouf. "Pourquoi donc commercialiser un produit sans avoir livré les quantités nécessaires ?", s'est interrogée une cliente rencontrée sur les lieux. Dans le même sillage, un jeune homme nous lance : "La seule pharmacie qui dispose de quantités interminables de ce complément alimentaire est bien la pharmacie dont la fille du ministre Ould Abbes est propriétaire." Et d'ajouter : "Même le laboratoire chargé de la production et de la distribution appartient à son mari !" Fait marquant dans cette histoire, c'est que la sûreté a été mobilisée pour assurer la sécurité de la pharmacie en question. Vendu au marché noir ! Durant cette enquête, nous avons appris de sources sûres que le produit en question se vend librement au marché noir, atteignant parfois jusqu'à la somme de dix mille dinars la boîte. "Ma mère est diabétique et comme ce produit n'est pratiquement pas disponible dans les officines, j'ai été obligé de le lui acheter à cinq mille dinars la boîte, c'est un ami qui me l'a procuré", nous dit Salah. Présenté tout au début comme étant un médicament miracle contre le diabète, le RHB s'est transformé, en quelques jours, en complément alimentaire. Mais la première idée persistait dans l'esprit de la population, notamment les diabétiques qui avaient l'espoir de guérir définitivement de cette maladie. Lors de notre enquête, nous avons constaté que plusieurs pharmaciens à Constantine avaient, dès le départ, refusé de le commercialiser. Ces derniers ont clairement affiché leur doute concernant Toufik Zaïbet ainsi que le produit. Certains sont allés jusqu'à le considérer comme une "arnaque qui va sans doute aller à l'encontre de la santé des patients". "Avant la commercialisation de n'importe quel nouveau produit, ce dernier doit passer par plusieurs étapes nécessaires, à savoir les essais cliniques avec les différentes phases, etc. Ce n'est pas le cas pour ce produit, nous n'avons rien vu de concret. Aussi, je refuse de le vendre", nous dit une pharmacienne du centre-ville. De leur côté, les chercheurs ainsi que le bureau de l'Ordre national des médecins et d'autres professionnels de la santé aux quatre coins du pays ont estimé que "l'homologation" de ce produit qu'on appelle "remède contre le diabète" est une "dérive très grave" depuis sa médiatisation par certaines chaînes de télévision. Contrairement au ministre de la Santé qui, lui, était d'un tout autre avis. Durant sa dernière visite à Constantine au mois de novembre dernier, Abdelmalek Boudiaf n'a pas hésité à apporter son total soutien à l'inventeur de ce produit. "Je l'ai déjà soutenu quand j'étais wali de Constantine et je le soutiens toujours parce que je crois en lui", avait déclaré le ministre. Et d'ajouter : "Ce produit est passé par toutes les étapes nécessaires bien avant d'être commercialisé, en tant que complément alimentaire." Abdelmalek Boudiaf poursuivra : "Pour avancer, il faut encourager les porteurs de ce genre de projets pour ne pas les pousser vers l'étranger." Sachant que le ministre de la Santé n'ignorait probablement pas que Toufik Zaïbet n'avait aucun diplôme en médecine ! Aussi, le retrait de RHB des pharmacies marque une nouvelle étape dans ce qu'on pourrait qualifier aujourd'hui de "scandale sanitaire", et ce, après plusieurs semaines de polémique. Ines BOUKHALFA