Dans sa déclaration à la presse, hier, la chancelière allemande Angela Merkel a affirmé : "Je sais que cela serait pour nous particulièrement difficile à supporter s'il se confirme que cet acte a été commis par une personne qui a demandé à l'Allemagne protection et asile." Cette déclaration démontre la mauvaise posture politique dans laquelle se retrouve Mme Merkel au lendemain d'un énième attentat terroriste en Allemange, après ceux commis durant le printemps et l'été derniers et revendiqués par Daech. Dans cet entretien, Barah Mikaïl, chercheur universitaire et directeur du centre Stractegia Consulting, apporte son éclairage sur l'évolution de la situation dans les jours et semaines à venir. Liberté : Les autorités allemandes affirment que le présumé auteur de l'attentat de Berlin serait un réfugié pakistanais. Quelles incidences aura cet "acte terroriste" sur la gestion de la crise migratoire et des réfugiés en Europe d'une manière générale ? Barah Mikaïl : On est encore en attente d'éléments de confirmation concernant l'identité de la personne (ou des personnes le cas échéant) responsable(s) de cette attaque. Cela étant dit, tout semble indiquer que nous sommes devant un attentat, et cela attire inévitablement l'attention sur la question migratoire et la politique des "bras ouverts" qu'avait défendues Angela Merkel sur la question il y a un temps. Quelles que soient les responsabilités établies concernant l'attentat de Berlin, il va de soi que Merkel va essuyer quelques attaques sur la question, surtout à un moment où elle prétend à un quatrième mandat de chancelière ; mais sur le fond, même si cet attentat encourage, quel qu'en soit l'auteur, l'Allemagne à se montrer plus sévère sur la gestion de la donne migratoire, je ne crois pas pour autant que l'on aura un virage conséquent en la matière. Cela d'autant plus que lier la question des attentats à celle des migrants est un raccourci erroné et dangereux, chose dont Angela Merkel est elle-même consciente. Concernant les pays membres de l'UE, ils peuvent toujours opter pour des mesures plus ou moins sévères, comme ils l'ont fait à partir de 2015 avec le renforcement des contrôles à leurs frontières extérieures comme intérieures. Mais pour ce qui relève de l'UE en tant que telle, il ne faut pas s'attendre à ce qu'elle se jette à bras-le-corps dans cette question ; elle va garder son rôle de "sage observateur" de la donne, avec les bons et les mauvais côtés qui peuvent en ressortir. Après avoir résisté aux nombreuses critiques, surtout celles venant de l'extrême droite, la chancelière allemande Angela Merkel est à nouveau dos au mur. Cédera-t-elle à la pression cette fois-ci ? Je ne crois pas que Merkel cédera à la pression. Evidemment, les récentes élections législatives locales de Berlin ont montré comment la CDU a pu être affaiblie par le parti d'extrême-droite AfD ; cela étant dit, contrairement au schéma classique qui prévaut en France, où l'on voit nombre de candidats chasser sur les terres du Front national, la CDU a montré jusqu'ici son hermétisme à de telles formes de racolage politique. Je ne vois pas d'indications sur ce que cela changera à court terme, même devant le choc émotionnel provoqué par un tel attentat ; la classe politique allemande a la réputation de sang-froid, et Angela Merkel ne dérogera probablement pas à cette règle. Elle paraît, par ailleurs, consciente de ce que ce serait, bien au contraire, un changement d'attitude radical de sa part sur des questions aussi centrales que les mouvements migratoires ou le terrorisme, qui la sanctionneraient électoralement.