Tout le monde connaît Zara, la célèbre marque de prêt-à-porter branché. Mais peu connaissent Amancio Ortega, son président-fondateur. Pourtant, c'est grâce au style de leadership de son patron que Zara est devenue une marque internationale réputée et son président-fondateur, l'un des hommes les plus riches au monde ! En 2004, le grand Henry Mintzberg jetait un véritable pavé dans la mare du management avec la sortie de son livre Managers not MBA's (Des managers, des vrais ! Pas des MBAi). Il y faisait une sévère critique de l'enseignement du management qui, selon lui, accorde pas ou peu d'importance aux ‟soft skills", ces aptitudes-clés qu'on doit posséder pour pouvoir gérer efficacement les organisations humaines. Amancio Ortega, le président-fondateur de Zara, n'a jamais fait d'études de gestion et n'a donc fréquenté aucune business school ! Grâce à ses seules qualités de leadership, il illustre parfaitement les arguments d'Henry Mintzberg. Des qualités qui lui ont permis de bâtir un vrai empire du prêt-à-porter qui compte aujourd'hui plus de 7 000 boutiques dans plus de 90 pays, réalisant un chiffre d'affaires de 18 milliards de dollars en 2014. Un succès qui est loin d'être achevé puisque Zara affiche des taux de rentabilité élevés et continue sa progression au même rythme. Une réussite qui permet à Amancio Ortega de figurer aujourd'hui parmi les trois hommes les plus riches de la planète ! Aujourd'hui âgé de 80 ans, Amancio Ortega est un homme très discret, voire secret, qui s'affiche rarement en public et n'accorde jamais d'interviews. Issu d'une famille très modeste, père cheminot et mère femme de ménage, il quitte l'école à 13 ans pour démarrer sa vie active comme apprenti dans une boutique de chemises dans sa ville natale, La Corogne, en Espagne. En 1975, dans la même ville, il ouvre sa première boutique Zara pour commercialiser des vêtements fabriqués au départ par des femmes de marins, expertes dans les travaux de couture. Le succès est immédiat grâce à la conjonction d'un prix raisonnable et d'un design tendance qui séduit très vite la clientèle jeune. Le souci de la qualité et l'évolution rapide des designs pour épouser instantanément les tendances de la mode (ses collections sont renouvelées chaque mois) ont tôt fait de donner à Zara une réputation exceptionnelle et un avantage concurrentiel qui n'a fait que se raffermir face aux autres grandes marques internationales comme H&M, Mango ou GAP. Le style de leadership d'Amancio Ortega vient directement de ses origines modestes et de sa volonté farouche de s'en sortir. Bien qu'il lise couramment la presse ou des romans, les personnes qui le fréquentent disent qu'il est plutôt mal à l'aise dans la rédaction. Il n'a jamais eu de bureau personnel ni possédé d'ordinateur, préférant le contact direct avec ses collaborateurs sur les lieux-mêmes de leur travail. Ses collaborateurs les plus proches déclarent qu'il privilégie le travail en petits groupes, délègue beaucoup, pratique une écoute très large et favorise l'oral sur la communication écrite. On estime que c'est précisément cette recherche du contact étroit qui est la base du succès de Zara qui lui a permis notamment de ne pas délocaliser l'essentiel de sa production dans les pays du Sud-est asiatique comme le font ses concurrents. Ce faisant, Zara réduit considérablement les délais de livraison lui permettant de réapprovisionner ses boutiques deux fois par semaine, au rythme de chaque nouvelle collection. Cette proximité inspire aussi largement la politique de ressources humaines d'Amancio Ortega qui cherche à consolider la fidélité des collaborateurs à l'entreprise. Par exemple, l'ensemble de ses 18 000 salariés ont tous reçu une participation de 50 actions par année d'ancienneté dans le capital de l'entreprise au moment de son introduction en Bourse en 2001. En outre, la retraite est offerte à 55 ans aux employés qui ont atteint vingt-cinq ans de boîte. Au plan personnel, le patron de Zara mène un train de vie des plus modestes. Il a des goûts très simples : il déjeune souvent dans les cafeterias de l'entreprise et utilise ses loisirs pour élever des poules et des chèvres ! Certains commentateurs ont parlé de ‟leadership méditerranéen" pour qualifier le style d'Amancio Ortega. Certes, le patron de Zara se distingue nettement d'entrepreneurs emblématiques du leadership anglo-saxon comme Steve Jobs, Bill Gates ou Jack Welch. Plus prosaïquement, on peut dire qu'Amancio Ortega a adopté une approche du management focalisée sur les vrais moteurs de la motivation des hommes au travail. Une approche qui reste donc valable dans tous les environnements culturels. Du reste, avec une observation attentive, chacun peut identifier autour de soi au moins un ou deux entrepreneurs algériens performants qui se reconnaîtraient aisément dans le style de management du patron de Zara. L'auteur de ces lignes peut lui-même en citer au moins trois qu'il a eu la chance de croiser dans son parcours. Smail Seghir [email protected] 1- Le livre, dans sa version française, est accessible aux abonnés à la bibliothèque numérique Scholarvox de Cyberlibris et à ceux de Fimaktabati d'Algérie Télécom.