Un groupe de travail conjoint a été chargé d'aplanir tous les litiges entre les deux compagnies. Le président-directeur général de Total, Patrick Pouyanné, était hier à Alger où il a rencontré son homologue de Sonatrach, Amine Mazouzi, a confié un haut responsable de la compagnie pétrolière nationale. À l'évidence, la visite du patron de Total a pour objectif de régler tous les litiges entre le quatrième groupe pétrolier mondial et Sonatrach, principalement le contentieux sur la taxe sur les profits exceptionnels (TPE) portant sur le gisement de gaz de Tin Fouye Tabankort. En mai 2016, Total avait soumis le litige au tribunal arbitral de Genève et réclamé le paiement par Sonatrach de plus de 500 millions d'euros. Mais à présent, le groupe français semble avoir changé de stratégie et souhaiterait un règlement à l'amiable. C'est ainsi que les deux parties ont décidé, à l'issue de la rencontre des deux P-DG, que le groupe de travail conjoint, à pied d'œuvre depuis plusieurs mois, poursuive ses efforts pour parvenir à un accord sur tous les litiges, pas seulement sur TFT, a ajouté la même source. Ces litiges portent sur le développement de trois gisements en partenariat entre les deux compagnies, Timimoun et Ahnet au Sud-Ouest et TFT au Sud-Est. La mise en œuvre de la loi sur les hydrocarbures de 2005, de ses amendements de 2006 et les amendements de 2013 ont créé des incompréhensions, des difficultés d'interprétation qui sont à l'origine de ces litiges. Le groupe de travail est chargé d'aplanir ces litiges. L'objectif de ce chantier est de proposer des solutions en vue de parvenir à un accord sur tous ces litiges à conclure au cours de l'année 2017. Total prêt à abandonner sa requête Il faut savoir que cette rencontre était programmée lors des discussions entre les deux responsables en septembre dernier, en marge du Forum international de l'énergie qui s'est tenu à Alger. Ce premier tête-à-tête était intervenu dans un contexte difficile dans les rapports entre les deux groupes, en un mot une situation conflictuelle née de la décision de Total de porter devant le tribunal arbitral de Genève son contentieux sur la taxe sur les profits exceptionnels. Cette rencontre s'était déroulée contre toute attente dans la sérénité après que le P-DG de Total eut déclaré que les intérêts des deux parties à développer un partenariat gagnant-gagnant sur le long terme étaient plus importants et que la compagnie française voulait s'engager sur des projets importants avec Sonatrach. Ces déclarations ont détendu l'atmosphère. Amine Mazouzi a alors répondu que Sonatrach était en faveur d'un partenariat à long terme avec Total. Les deux patrons ont alors décidé de se revoir. En attendant, les deux parties avaient convenu de constituer le groupe de travail précité. Cette rencontre n'a pas permis pour autant d'empêcher que la procédure d'arbitrage suive son cours. On était encore loin de la conciliation. Conséquence de la rencontre entre les deux patrons, Sonatrach décide en janvier de confier à Total l'étude de faisabilité d'un complexe de taille mondiale mais sans pour autant livrer le nom du projet. En fait, il s'agit de la réalisation d'un complexe de polypropylène à Arzew, a confié un autre responsable de Sonatrach. Mais Total pour l'instant ne doit effectuer que des études préliminaires, c'est-à-dire les études économiques pour démontrer la faisabilité du projet. Cela ne veut pas dire qu'elle va prendre le projet. Car Sonatrach a l'intention d'attribuer les contrats Feed et EPC via la procédure d'appel d'offres. Mais ce petit contrat pourrait lui ouvrir la porte lui permettant de remporter la réalisation d'un ou de plusieurs grands projets pétrochimiques prévus par le programme de développement 2016-2020 de la compagnie nationale. Mais qu'est-ce qui a favorisé cette attitude conciliante chez Total ? La compagnie française en mai dernier était résolue et sûre de remporter la partie face à Sonatrach devant le tribunal de Genève. Surprise par cette action intentée dix ans après la mise en œuvre de la taxe sur les profits exceptionnels, Sonatrach réagit par la suite en se blindant. Elle a recouru en juillet au cabinet d'avocats new-yorkais Sherman et Sterling, celui-là même qui a permis à Sonatrach de gagner plusieurs affaires en arbitrage. Sonatrach menace par ailleurs Total. Elle annonce envisager de porter le dossier du développement du gisement d'Ahnet devant le tribunal arbitral de Genève. Grief : Total n'a pas respecté les clauses contractuelles. Même si la procédure d'arbitrage suit toujours son cours, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis mai 2016. Sonatrach a présenté entre-temps un dossier solide susceptible de lui faire gagner la partie, ce qui expliquerait le revirement de Total. "Ce n'est plus la guerre. En principe, les choses avancent positivement." Probablement, Total va retirer sa requête auprès du tribunal arbitral de Genève, en contrepartie du développement du partenariat avec Sonatrach, en particulier dans la pétrochimie. Sonatrach pourrait lui confier la réalisation et l'exploitation d'un complexe pétrochimique de taille mondiale mais en attendant, il convient de rester prudent. "Il pourrait y avoir une mauvaise surprise (un nouveau revirement de Total ?)", a indiqué le haut cadre de Sonatrach. K. Remouche