L'adhésion du Maroc à l'Union africaine, où il devra siéger aux côtés de la République arabe sahraouie démocratique, aura certainement des incidences sur le conflit sahraoui qui avait motivé le défunt roi Hassan II à quitter l'Organisation panafricaine en 1984. Après avoir constaté qu'il lui était impossible d'imposer ses vues de l'extérieur, le Maroc a décidé de renoncer à la politique de la chaise vide, en investissant tous les forums internationaux pour agir de l'intérieur. Dans cette optique, le royaume du Maroc a fini par introduire une demande d'adhésion à l'Union africaine qui vient de l'accepter à l'occasion de son 28e sommet ordinaire du 30 et 31 janvier à Addis-Abeba. Cette demande avait été accompagnée par une intense campagne diplomatique à travers le continent pour obtenir le soutien des pays membres. Cette adhésion à l'instance africaine, après avoir quitté son ancêtre l'Organisation de l'unité africaine (OUA) en 1984 pour protester contre l'admission de la Rasd en qualité de membre, soulève moult interrogations. En effet, l'UA qui soutenait, jusque-là, un de ses membres, la Rasd, dans sa lutte pour l'indépendance, se retrouve devant un véritable dilemme, car, désormais, les deux parties du conflit se retrouvent face-à-face en son sein. Si Rabat n'a pas posé de préalables dans sa demande d'adhésion, elle a néanmoins émis des réserves sur le contenu de l'article 3 de l'acte constitutif de l'Union africaine, qui consacre le principe du respect de la souveraineté et l'intégrité des pays. Mohammed VI a écrit que son gouvernement "n'a aucunement l'intention de se désister de ses droits légitimes pour la concrétisation pacifique de l'intégrité territoriale du royaume à l'intérieur de ses frontières légales". Mais il ne mentionne aucunement le Sahara occidental que Rabat appelle le Sahara marocain dans ce qui qu'il qualifie de "frontières légales". Reste à savoir si l'UA continuera à laisser à l'ONU le soin de traiter ce conflit, ou si elle optera pour une autre approche, telle que tenter des négociations entre les deux parties, qui siègent maintenant côte à côte au sein de ses instances. Bien que les Sahraouis aient crié victoire en estimant que l'adhésion du Maroc à l'UA est une reconnaissance de facto de la République arabe sahraouie démocratique, Rabat n'a, à aucun moment, affiché l'intention de vouloir régler la question à l'intérieur de l'organisation panafricaine. Au contraire, l'on prête au Maroc la volonté de vouloir éjecter la Rasd de l'UA, à terme, même si les statuts de cette dernière ne permettent pas l'exclusion d'un membre, de surcroît, s'il fait partie des signataires de l'acte constitutif comme c'est le cas de l'Etat sahraoui. Le ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Ramtane Lamamra, avait rappelé avec insistance lundi, à l'ouverture du sommet, que les réformes de l'Union africaine toucheront à l'aspect technique et non pas à l'acte constitutif et à ses statuts. Dans son appel, hier, à l'ONU, à assumer ses responsabilités, en restaurant le "plein fonctionnement" de la Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental (Minurso), l'Union africaine s'est montrée attachée à ses principes fondateurs, dont le droit des peuples à l'autodétermination qu'elle a réaffirmé hier en présence de Mohammed VI. Pour sa première participation aux travaux du sommet, le roi Mohammed VI a tenu un discours rassurant, en déclarant que l'action du Maroc "concourra à fédérer et à aller de l'avant". Mais continuera-t-il à siéger en acceptant la présence de la Rasd comme si de rien n'était ? Il est peut-être trop tôt pour se prononcer sur cela. Merzak Tigrine