C'est l'impression que laisse supposer le battage inusité du Royaume chérifien en rapport avec son retour au sein de l'organisation panafricaine de l'Union africaine [UA] Un retour, plutôt une adhésion - Rabat ayant quitté en 1984 l'OUA, que n'est plus l'UA de 2017 - à une institution qui regroupe tous les Etats africains à l'exception du...Maroc. Les statuts de l'UA prévoient une telle adhérence dès lors qu'il suffit que 28 pays [sur les 54 de l'Union] donnent leur accord et que le récipiendaire, le Maroc en l'occurrence, respecte la Charte constitutive de l'organisation, notamment son article 4. Celui-ci stipule «le respect des frontières existantes à l'accession à l'indépendance». Ce point est important car il signale que le nouveau venu aura «lu et approuvé» l'ensemble des articles du statut de l'UA et ne peut en aucun cas de figure remettre en cause les frontières de ses Etats membres et/ou contester la présence d'un Etat dans cette organisation. De fait, en faisant ratifier à «l'unanimité», la semaine dernière, par son Parlement la charte constitutive de l'Union africaine, sans émettre de réserves sur aucun de ses articles, Rabat approuve et se plie aux conditions de l'UA. Ce qui veut dire que le Maroc accepte l'ensemble des textes fondateurs de l'Union et y adhère pleinement. Ainsi, une adhésion à l'UA est simple dans le fonds et dans la forme. Ce qui l'est moins est le battage médiatique fait par Rabat autour de cette adhésion. Il y a - c'est le moins de le dire - anguille sous roche. La demande d'adhésion du Maroc à l'Union africaine est à juste titre l'un des points nodaux qui seront examinés par le 28e Sommet de l'UA qui se tient demain et mardi à Addis-Abeba. Pourquoi Rabat a-t-elle attendu tant d'années pour revenir dans son ensemble naturel et légitime qu'est l'Union africaine? Pourquoi maintenant, au moment où le Maroc a épuisé, à l'international, tous les recours, toutes les astuces pour faire admettre son occupation du territoire sahraoui? Le royaume alaouite espère-t-il supplanter la Rasd [République sahraouie] et la faire expulser de l'UA? Comment? Par quel artifice? Aucun pays, en particulier l'ONU, ne reconnaît la «marocanité» du territoire sahraoui. En outre, le royaume a essuyé une série de défaites judiciaires, notamment en 2016 où, singulièrement, la Cour de justice de l'Union européenne [Cjue] a confirmé solennellement que le Sahara occidental n'est pas le Maroc, et enjoint aux Etats de l'UE de ne plus inclure ce territoire dans leurs accords commerciaux et autres avec le Maroc. Ceci dit, la demande d'adhésion du Maroc à l'UA est ordinaire, toutefois, le procédé avec lequel elle a été enclenchée ne l'est pas du tout. Même Israël a fait campagne en Afrique en faveur de cette adhésion, la déviant de son contexte. En effet, cette adhésion autour de laquelle Rabat fait tant de bruit, n'est en fait qu'une simple formalité pour le Maroc qui reste - malgré cela - un pays important de et pour l'Afrique. D'autre part, le retour du Maroc au sein de l'Union africaine, induit de facto la reconnaissance par Rabat de tous ses Etats membres, y compris en conséquence la Rasd. Subséquemment, il y a du louche dans la démarche marocaine qui survient à un moment-clé de l'histoire de l'organisation panafricaine, notamment à la veille d'un changement de direction de la Commission de l'UA qui peut s'avérer cruciale, y compris pour la stabilité de l'UA. Or, au moment où le Maroc sollicite son retour, il occupe toujours le territoire d'un membre fondateur de l'organisation: la Rasd, empiétant ainsi sur le statut de l'UA qui exige le «respect de tous les pays membres et de leur souveraineté».Il y a donc possibilité, vue sous cet angle, que la demande d'adhésion de Rabat soit rejetée. Peut-il, en effet, y avoir un précédent avec la cohabitation à l'UA de deux pays dont l'un occupe le territoire de l'autre? On aurait compris la demande d'adhésion du Maroc si, concomitamment, Rabat avait annoncé sa disponibilité au «règlement pacifique du problème» [qui l'oppose au Sahara occidental] comme le stipule l'un des articles du statut de l'UA. Il n'en a rien été! Le Maroc prépare donc un coup à sa manière de l'intérieur même de l'organisation. A moins que le Maroc cherche à diviser l'UA et à la casser au moment où celle-ci prend de l'importance, devenant un interlocuteur et un partenaire incontournable des institutions internationales. Ainsi, une adhésion qui devrait renforcer l'UA, pourrait devenir son cheval de Troie. En tout état de cause, la demande du Maroc de rejoindre l'UA est tout, sauf catholique! Wait and see!