Résumé : Houria harcèle Farid afin d'officialiser leur union. Elle l'avait aidé à acquérir un logement, et plus rien maintenant ne les retenait pour se marier. Farid rétorque qu'il y a pourtant un autre aléa de taille : le service national. Houria soupire. - Bien. Je prendrais mon mal en patience. Tiens-moi au courant de tes initiatives, je vais voir ce que je pourrais faire de mon côté. - Sans blague ? Tu peux faire quelque chose ? - Je ne sais pas encore. J'ai une amie mariée à un officier. Elle pourra peut-être plaider ta cause auprès de son mari. - Comme quoi, quand on veut on peut. - Je tenterais de lui expliquer notre situation. Dans l'intervalle, tu pourras toujours officialiser notre relation - Tant que je n'ai pas trouvé l'issue salvatrice, je suis incapable de penser à quoi que ce soit d'autre qu'à cet aléa qui me ronge l'esprit jour et nuit. Cesse donc de me harceler, Houria. Houria se tait, puis reprend, compatissante : - Ne te fâche donc pas, Farid, je voulais juste... - Laisse tomber donc un peu tes caprices, ma chérie. Tu sais bien que je suis aussi pressé que toi de régulariser notre situation. Quelques mois d'attente ne feront qu'attiser notre amour. - Tu crois, Farid ? - Je suis plus que certain. Puis, sans lui laisser le temps de riposter, il poursuit : - Ma chérie, il se fait tard, et je ne tiens plus sur mes jambes. Tu ne peux pas imaginer la peine que j'ai de devoir te quitter, mais je te promets de te rappeler très bientôt. Allez, bonsoir ma belle ! Sans plus attendre, il raccroche d'une main rageuse avant de lancer à haute voix : "Tu peux attendre ma vieille. Maintenant que j'ai l'acte de propriété en poche, tu peux toujours rêver." Il endosse son blouson et quitte les lieux, en claquant la porte d'entrée derrière lui. Dehors, la nuit était tombée depuis belle lurette. Un petit vent frais s'était levé. Farid jette un coup d'œil à sa montre : 21h30. "Il est grand temps de rentrer", se dit-il. Il hèle un taxi et lui indique sa destination. Tout en regardant défiler les quartiers du vieil Alger, il se remit à penser à Lamia. Elle était belle, riche et handicapée. "Bof, se dit-il, en haussant les épaules. Ce qui pourrait bien m'intéresser chez elle maintenant c'est plutôt ce qu'elle a dans ses poches. Si je peux lui subtiliser quelques liasses en devises, cela ne fera pas de mal. Et puis, que peut bien rechercher une fille dans son état ? À s'accrocher au premier venu qui lui tend une perche. Une simple aventure serait assez conséquente." Il hausse encore les épaules. "Ce sera même beaucoup pour elle, tout comme pour Houria qui est affublée d'une maladie incurable et qui veut me mettre le grappin dessus. Elle peut espérer. Ce sera toujours une bonne leçon pour elle, et du bon temps pour moi." Puis, à l'approche de son quartier, il se rappelle de sa femme et sa petite fille Feriel qui fêtera bientôt son troisième anniversaire. Il hoche la tête. Le studio qu'il venait de quitter avait servi de relais à des copains pour leurs aventures passagères. À chaque fois qu'il s'y rendait, il revoyait son enfance. C'était là où son père fabriquait des ustensiles en poterie pour subvenir aux besoins de sa famille. Aujourd'hui, son père n'était plus de ce monde, et sa mère vivait avec son cadet dans une ville de l'Est. Farid a vite fait de récupérer le studio qu'il louait parfois à des voyageurs ou à des aventuriers. Il en tirait d'ailleurs un loyer substantiel qui lui permettait de végéter quelque temps. (À suivre) Y. H.