La ministre de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication (Ptic), Houda-Imane Faraoun, a annoncé que les Algériens pourront "très bientôt" découvrir les avantages du haut et du très haut débit Internet, grâce à l'introduction de la technologie FTTH (Fibre To The Home). "Nous comptons connecter un million d'abonnés en très haut débit d'ici à 2018", a-t-elle récemment affirmé. Elle a même assuré que l'investissement consenti par les services d'Algérie Télécom (AT), en collaboration avec une entreprise chinoise, qui s'élève à plus de 90 millions de dollars, sera amorti en une année. Techniquement, la FTTH offre des débits variant de 50 à 100 Mbit/s en download et de 25 Mbit/s à 60 Mbit/s en upload. Ce qui relègue l'ADSL et ses variantes à la préhistoire de l'Internet. À la lumière de ces éléments, une question se pose : Algérie Télécom dispose-t-elle de l'infrastructure et de l'architecture réseau nécessaires pour commercialiser du 100 Mbit/s ou est-ce un simple effet d'annonce ? Pour le savoir, nous avons sollicité l'avis de deux experts des TIC, Karim Khelouiati, spécialiste en cybercriminalité, et Younès Grar, titulaire d'un magistère en cybernétique du Centre de développement des technologies avancées (CDTA). Ces derniers sont plutôt "sceptiques" quant à l'introduction du FTTH, du moins à court terme. Pour Karim Khelouiati, c'est carrément "utopique" de faire bénéficier un million d'abonnés au très haut débit en si peu de temps. Car selon lui, l'architecture réseau nécessaire n'est pas disponible. "Je n'y crois pas un seul instant. La fibre à la maison nécessite un réseau en amont et en aval de l'abonné. Aujourd'hui, les appartements de la majeure partie des Algériens ne peuvent techniquement bénéficier de la fibre, car cette dernière doit être intégrée dans l'architecture même de la maison. Comme c'est le cas pour l'électricité et le gaz", a-t-il fait savoir. Et de préciser : "Cela nécessite des travaux à l'intérieur de l'immeuble pour poser la fibre optique jusque chez l'abonné, ce qui n'existe pas encore chez nous." Pour notre interlocuteur, la ministre fait dans le "sensationnel" et "l'effet d'annonce". Toutefois, selon lui, la FTTH est une technologie d'avenir et l'Algérie a tout intérêt à s'y investir. Il estime toutefois qu'atteindre un million d'abonnés en 2018 est "techniquement irréalisable". De son côté, Younès Grar estime que les déclarations de la ministre sont "surréalistes". "Du 100 mégas pour un million d'abonnés en 2018 ? À mon avis, c'est surréaliste et irréalisable", a-t-il tranché. En outre, M. Grar indiquera que ce projet n'est pas nouveau puisqu'il a été lancé en 2007. "C'est un vieux projet qui vient d'être déterré par la ministre. Une société canadienne a obtenu un contrat de gré à gré avec les autorités de l'époque. Cette société, qui devait assurer la partie intégration de la fibre, a cessé toute activité au bout de quelques mois", a-t-il rappelé. Tout comme Karim Khelouiati, M. Grar notera que les conditions de la mise en place de la FTTH ne seraient pas réunies. "La fibre à la maison nécessite toute une infrastructure et une architecture de réseau, qui n'existe pas actuellement en Algérie", insistera-t-il. De plus, d'après notre interlocuteur, le coût de la commercialisation de cette technologie sera extrêmement élevé. "Actuellement, les 8 mégas sont à 5 000 DA par mois... Je vous laisse imaginer combien seront facturés les 100 mégas. Il faudrait tout un salaire pour s'acquitter de sa facture", a-t-il conclu. RAMDANE BOURAHLA