Notre vécu dans le milieu du football nous autorise à dire que le football algérien est infesté de corrompus, de corrupteurs, d'opportunistes, de rentiers et d'imposteurs. Tout en rejetant l'idée de "tous pourris". Présider aux destinées du football algérien c'est avoir d'abord de l'ambition pour ce football. Le président œuvrera pour le développement, à la promotion et à la protection du football national. Le projet de développement consiste légitimement à inscrire le football algérien dans le concert des nations du football. Pour cela, il ne suffit pas de faire uniquement dans la communication, il faut agir et en profondeur. Le football algérien vit des problèmes d'ordre structurel qui sont antérieurs aux mandats du président actuel. Il appelle à une refonte globale et cela passe par une gouvernance performante et à tous les niveaux. Conscient de toute la puissance et la popularité de la discipline, il faudra non seulement travailler pour un football sportivement performant mais aussi économiquement porteur, culturellement valorisant et socialement impactant. Des programmes de développement doivent être mis en œuvre pendant le cycle olympique à venir. Il faudra travailler sur le terrain des réalisations concrètes. Ces programmes devront concerner le technique, l'administratif, le juridique, le médical, le marketing, le social, la lutte contre la corruption, la violence, le dopage, les médias et les relations publiques, les infrastructures, etc. Tout un programme. Le standing de l'équipe nationale et les quelques performances des clubs dans les compétitions continentales ne doivent pas nous laisser vivre dans l'illusion d'un football en bonne santé. À l'exception de la sélection nationale, le football algérien est dans la non-gouvernance ; nous avons le sentiment qu'il est à l'abandon et livré à la corruption. Notre vécu dans le milieu du football nous autorise à dire que le football algérien est infesté de corrompus, de corrupteurs, d'opportunistes, de rentiers et d'imposteurs. Tout en rejetant l'idée de "tous pourris". Ceci dit, l'intégrité morale et la compétence doivent être au cœur du projet du renouveau. Il faut au plus vite renouer avec la pédagogie du mérite et de l'effort. En finir avec la cooptation et le soutien d'"en haut" Jeter les gens en pâture, à la vindicte populaire, faire sauter des fusibles et désigner des boucs émissaires, cela s'appelle le lynchage. Il a suffisamment fait de dégâts dans notre pays. Des carrières ont été détruites, des compétences évincées, des ambitions brimées et des dignités touchées. Des pratiques qui illustrent la bêtise, la brutalité et la méchanceté de leurs auteurs. Et c'est aussi parfois l'arroseur arrosé. Cela nous amène à l'éthique, un concept noble sans quoi rien ne peut être construit et capitalisé. L'éthique est absente et c'est pourquoi le football algérien patauge dans la gadoue et dans... l'éternel recommencement. La future élection du président de la Fédération algérienne de football (FAF) est une opportunité nationale pour débattre des problèmes de fond qui entravent le développement de la discipline et permettre la confrontation des programmes, seuls à même de donner du crédit aux candidats. En finir avec la cooptation, le soutien d'"en haut" : c'est une condition morale sine qua non pour grandir et faire grandir la discipline. La multiplication des candidatures ne doit pas être perçue comme un parjure. L'époque a changé. Le président doit tirer sa légitimité d'une assemblée générale légitime et souveraine. Le football algérien doit en finir avec l'infantilisation de ses acteurs et doit passer au plus vite à l'âge adulte. C'est une urgence historique. Traiter des problèmes de fond, c'est inscrire le football algérien dans le long terme. La voie est dure mais sûre. C'est ce que nous dictent l'intelligence, la raison et le sang-froid. Ceci étant, la problématique centrale n'est pas résolue. Comment avoir une assemblée légitime qui se réappropriera toutes ses prérogatives ? En fait, c'est tout l'édifice du football algérien qui devrait être relégitimé ; de la ligue de wilaya à la ligue professionnelle en passant par les clubs. Un sérieux déficit démocratique plombe les clubs et toutes les instances du football national. Ils sont pris en otages par des personnes, des clans qui ont fait fuir la compétence et l'intégrité morale. Les rares compétences qui s'essayent finiront soit par quitter soit par se renier. Au contraire, les instances légitimes ratissent large et aspirent les compétences, les militants du sport, les gens sincères, dévoués et désintéressés. Il y a un rapport dialectique entre une institution légitime et une compétence là où il n'y a que soutien aveugle, soumission, allégeance, cupidité, agenouillement et à plat-ventrisme dans les systèmes fermés. Un système où ne prospèrent que les opportunistes, les bouffons et les valets. Lutte implacable contre la corruption Notre conviction aujourd'hui est que le football algérien à tous les niveaux est rongé, gangrené par la corruption. Des scandales qui touchent le football d'élite sont révélés par la presse périodiquement depuis plus de vingt ans aindi que des protestations presque quotidiennes contre le corps arbitral avec beaucoup d'insinuations. Quant aux divisions régionales, c'est tout simplement la jungle. Et la réponse récurrente des responsables ("il faut des preuves") décourage les plus téméraires. Au secret de Polichinelle, on oppose le déni de la réalité La lutte contre la corruption est d'abord une question de volonté politique. Seul l'Etat a les moyens juridiques et policiers pour mener des enquêtes et des investigations. Et c'est sa mission, donc son devoir. La corruption est la variante radicale et sournoise de la violence. Elle la génère aussi. Elle existe dans une forte proportion dans les systèmes fermés. Ses dégâts ne se limitent pas à fausser les résultats ou bien à promouvoir les tricheurs au sommet de la hiérarchie. Pis encore, elle sape la valeur "travail", valeur créatrice de richesse et de puissance des nations. Les gens comprendraient que pour atteindre leurs ambitions, le chemin est tout indiqué ; s'organiser autour des corrupteurs et non pas autour du travail, de l'effort et du mérite. La corruption condamne l'avenir. Elle promeut les médiocres, les voyous en col blanc et rabaisse la nation. La revalorisation des compétences nationales La revalorisation et l'implication des compétences nationales est une obligation patriotique. Aucun pays au monde ne s'est développé clé en main, sans ses enfants. L'Etat a investi des sommes colossales dans la formation de ses cadres techniques ; la Fédération aussi. Et à quoi nous assistons ? À une campagne bien orchestrée par les rentiers et analphabètes contre les diplômés qui ont acquis leur savoir et savoir-faire à la sueur de leur front. Au moment où le football algérien a besoin de cadres techniques très qualifiés, nous nous retrouvons plongés dans des débats d'arrière-garde. Les rentiers, les tricheurs ont réussi à dévaloriser le cadre technique algérien qui n'a rien à envier aux compétences internationales. Ils ne perçoivent l'autre qu'à travers le prisme déformant de leur nullité et médiocrité. Ils ne supportent pas de voir un compatriote intègre et compétent. Ils le dénigrent, dénigrent, dénigrent... sachant qu'il en restera toujours quelque chose. La suite, c'est la voie ouverte aux mercenaires locaux et étrangers. L'argent dans le football national L'assainissement et la traçabilité des flux financiers sont des indicateurs de bonne gouvernance. Elles réduisent dans une grande proportion la marge des magouilleurs. C'est l'argent sale qui fait courir cette faune d'opportunistes. L'Etat a le devoir d'expertiser tous les bilans financiers, même approuvés par les différentes assemblées générales et à quelque niveau que ce soit a fortiori dans le football professionnel où il y a urgence de créer la Direction nationale de contrôle de gestion (DNCG). Ce sera l'épée de Damoclès sur la tête des clubs professionnels. Elle les ramènera sur le chemin de la légalité, de l'investissement, de la rationalité dans la gestion et les dépenses et les obligera à mener une politique selon leurs moyens. Le fair-play financier doit être une réalité. De la direction technique nationale La DTN à elle seule est une institution. Seules les grandes nations de football ont une DTN forte. La DTN se doit de se réapproprier ses prérogatives. La séparation entre le technique et l'administratif est un critère de bonne gouvernance. La délégation des tâches est tributaire de la confiance absolue dans les compétences des hommes avec lesquels nous travaillons. 2-Après une compétition majeure La DTN a une fonction prospective. Elle s'inscrit dans le long terme. La DTN réfléchit, analyse, critique, structure, forme, prospecte, révèle, sélectionne, recycle et produit. L'efficacité de la DTN ne se réduit pas à la nomination de tel ou tel personnalité sportive. La DTN reste un immense chantier dans notre pays. Les dividendes ne sont pas immédiats. Il faut trouver des cadres qui travailleront sur le long terme dans un pays où le court terme est déjà un horizon lointain. De la sélection nationale Suite à la mauvaise prestation de l'équipe nationale lors de la dernière Coupe d'Afrique des nations au Gabon, des voix s'élèvent pour réclamer l'éviction de certains joueurs de l'équipe, parmi eux des cadres. Autrement dit, une espèce de purge. Ceci nous amène à traiter d'une question que nous estimons importante : l'éthique. Toute entreprise, démarche ou politique doit être guidée par une éthique. À travers l'histoire du football algérien, nous pensons que ce n'est pas la marque de fabrique de l'EN. Nous nous expliquons : L'EN a toujours manqué de sérénité avant ou après une compétition majeure (Coupe du monde, Coupe d'Afrique, Jeux olympiques). La sérénité est un signe de grande maturité qui vous aide à rester lucide. La lucidité, c'est ce qui vous permet de faire les bons choix et de prendre les bonnes décisions. Comme les clubs, l'EN est à la merci de la rue, des interférences politiques et maintenant des managers et demain des... sponsors. Deux situations se présentent : 1-Avant une compétition majeure L'exemple de la liste finale des joueurs participants au Mondial ou à la Coupe d'Afrique a toujours été problématique. Elle a souvent provoqué des turbulences. Les joueurs écartés et une partie de l'opinion sportive estiment que la mise à l'écart ne s'est pas faite sur des critères sportifs. Certains parmi ces joueurs et même des entraîneurs ruminent encore leur colère des années après.C'est dire l'intensité du sentiment d'injustice qui les habite. Des joueurs n'ayant pas le niveau ou bien n'ayant pas fait l'aventure des éliminatoires ont pris leur place. C'est pour eux tout simplement injuste et inadmissible. En sélection nationale, la transition après une compétition majeure a toujours été chaotique. Il y a manifestement un manque de savoir-faire flagrant dans la gestion de l'après-Mondial ou de l'après-Coupe d'Afrique. Des purges brutales ou douces sont toujours opérées, souvent sous prétexte d'arguments fallacieux. Des joueurs encore opérationnels sont écartés, quittent l'EN par la petite porte. Le comble, des entraîneurs et des joueurs qui ont ramené des titres pour l'Algérie ont été radiés à vie. Des joueurs, des entraîneurs, des présidents adulés hier se retrouvent rejetés, insultés, sanctionnés le lendemain après un échec. En fait, le parfait bouc émissaire. Cela est vécu tel un drame intérieur par les concernés. La pire des brutalités dont certains ne se relèvent pas des dizaines d'années après. Le témoignage des anciennes gloires du football algérien est édifiant : la plaie reste ouverte. À quelques exceptions près – et encore ! – je ne connais pas un international qui est sorti avec les honneurs. Ceci étant dit, les responsables du football algérien doivent tenir compte de tout cela et cesser de faire vivre des drames à des gens qui ont donné de la joie à tout un peuple. L'injustice, l'ingratitude et l'inhumanité sont difficiles à digérer et à pardonner. Les institutions MJS et FAF doivent faire œuvre de pédagogie envers les jeunes générations. L'ingratitude peut servir de prétexte à l'égoïsme. Une institution respectable ne doit pas fonctionner à l'affect, à l'émotionnel. L'EN doit rendre le respect. Un international au moment de prendre sa retraite doit partir avec les honneurs. Les entraîneurs, les joueurs, les dirigeants, les médecins, etc., ne sont pas jetables. Ils ont leur amour-propre, leur dignité, il faut en tenir compte. Cette manière récurrente d'opérer fait des dégâts, non seulement à l'individu mais aussi à l'équipe. Ces ruptures brutales cassent la transmission intergénérationnelle et ne favorise donc pas l'accumulation d'expériences, de savoirs et de savoir-faire. Ce qui oblige la nouvelle génération à recommencer de zéro. En fait, l'éternel recommencement.On efface tout et on... recommence. Voilà ce qui guette la sélection nationale aujourd'hui. Des mesures à prendre dans l'immédiat 1- Rigueur dans l'application des dispositions liées au football professionnel (cahier des charges). 2- Asseoir le fair-play financier. 3- Révision du système de compétition seniors : 6 paliers L1/18 clubs (relégation : 3 ; les premiers participeront aux compétitions internationales). L2/18 clubs (accession : 3 ; relégation : 3). L3/3 groupes de 16 clubs L4/8 groupes de 16 clubs L5/16 groupes de 16 clubs L6/Ligues de wilaya : plusieurs groupes (play off/play down). 4- Autoriser les clubs du palier 3 à opter pour le professionnalisme (respect du cahier des charges). 5- Autoriser le joueur professionnel de moins de 22 ans à signer dans un club amateur en restant sous contrat avec son ancien club. 6- Autoriser les joueurs amateurs à signer dans un club professionnel lors du mercato d'hiver (maximum de 2 joueurs par club, soumis à la libération du club) 7- Révision du système de compétition des jeunes catégories : Système pyramidal (zone, wilaya, région, inter-région, national) avec un championnat élite pour les U20. 8- Organiser un tournoi international traditionnel (U20) où l'Algérie présentera 4 équipes (une par groupe) qui constitueront un réservoir pour les futures sélections nationales. 9- Chaque catégorie d'âge aura sa sélection nationale (U16, U17, U18, U19, U20). La sélection nationale ne doit plus se constituer uniquement pour les besoins du calendrier. 10- Réactiver les sélections régionales de jeunes. 11- Réactiver les sélections de wilaya de jeunes. 12- Réactiver les sélections scolaires. 13- Autoriser deux joueurs étrangers par club en Ligue 1. 14- Poursuivre le développement du football féminin. 15- Poursuivre le développement du football dans le milieu du travail, à l'école, armée, police, handisport. 16- Développer le futsall, le beach foot 17- Installer une commission de discipline souveraine loin de toute interférence. 18- Renforcer l'indépendance de la commission de résolution des litiges. 19- Renforcer la lutte antidopage en mobilisant les moyens humains et matériels. Création d'un laboratoire d'analyses. 20- Développer le marketing, la raison sociale du football, les relations avec les médias et les relations publiques. 21- Créer la fondation FAF. En conclusion Le football algérien a plus besoin de rupture avec le contexte et les pratiques prévalant à ce jour que de simples mesures. Un contexte démocratique, une relation de partenariat avec le MJS loin de tout chantage, un environnement sain (clubs, ligues), des passerelles entre le football amateur et le football professionnel national et international (une recherche permanente du bon équilibre entre les différentes composantes du football algérien : géographie, niveau de pratique – âge, sexe etc.), des compétences techniques et managériales avérées, un contrôle financier et de gestion rigoureux, un fonctionnement conforme aux lois du pays et règlements internationaux, une DTN renforcée et jalouse de ses prérogatives, une EN dont la composition des joueurs est du ressort du seul sélectionneur national qui s'appuiera sur le potentiel immense des joueurs algériens à travers le monde ; voilà le décor planté pour le renouveau du football algérien et l'objectif de le placer dans le gotha mondial à terme. Le potentiel est immense. Mais soustraire les compétences, les hommes de valeur d'ici ou d'ailleurs à la collectivité nationale relève de la bêtise, au pire d'un crime dont les responsables doivent répondre. C'est leur absence qui fait que les pistonnés, les voyous, les tricheurs, les imposteurs, les corrompus et les corrupteurs occupent les lieux. La loi du nombre doit être inversée. H. A. (*) Magistère en sport