L'officialisation de tamazight et sa mise en œuvre, les formes du combat identitaire, le conflit entre militants et académiciens et l'instrumentalisation de la langue par les politiques ont été autant de thèmes débattus par des poètes et des écrivains de Béjaïa. L'échange s'est déroulé lors d'une table ronde organisée par l'association culturelle "La Sumam" du village Ighil Nacer, à l'occasion de la célébration de la Journée internationale de la langue maternelle, qui coïncide avec le 21 février de chaque année. Les invités de l'association, Nacer Bendahmane, M'hamed Hassani, Rachid Hittouche et Hocine Cherradi — d'autres n'ont pas fait le déplacement à l'instar de Rachid Oulebsir et de Brahim Tazaghart —, se sont d'emblée étalés sur les formes du combat identitaire. Lesquelles, selon eux, doivent évoluer, tout en insistant sur la nécessité d'un suivi continuel du changement sur le terrain. Les intervenants, qui ont abordé le conflit persistant entre les académiciens et les militants, constatent que les premiers ont été souvent conformistes ou marginalisés alors que les seconds se perdent dans de faux débats. Ils préconisent comme base pour la promotion de la langue la reprise des travaux de Mouloud Mammeri, de Mohamed Haroune et de Bahbouh. "Il faut voir ce que nous avons comme terminologie et faire des emprunts si nécessaire, car l'emprunt a toujours été une tradition même chez les langues les plus avancées", ont-ils préconisé. Revenant sur l'officialisation de tamazight par les pouvoirs publics, les invités de l'association ont estimé que la décision "n'est que de la poudre aux yeux". Et pour cause : "Il n'y a pas de volonté politique pour sa mise en œuvre et la base s'est désengagée de sa mission." "L'instrumentalisation de la langue par les politiques la tue, il faudra faire la part des choses : le culturel et le politique vont en parallèle, mais pas ensemble", ont-ils également démontré. Tout en soulignant l'importance de la production dans le domaine de la langue amazighe, laquelle, selon eux, prime sur la structuration, les communicants ont estimé que la transcription "n'est qu'un faux débat". Pour eux, et afin de promouvoir la langue, il est primordial de revenir à la source pour reconstituer les origines des mots. "L'académicien doit faire du vieux une source de recherche", ont-ils expliqué. Aussi préconisent-ils la mise en place des institutions populaires par les associations pour redonner à la langue son âme et constituer des comités, des coordinations et des universités populaires autour de la recherche et la structuration du patrimoine. Selon eux, "des rencontres similaires pour relancer le débat citoyen sur les questions de la langue, à commencer par la mise en œuvre de tamazight, sont nécessaires". À noter que la rencontre a été ponctuée d'une exposition à laquelle ont été conviés plusieurs artistes de la région, dont Ahmed Medjani (caricaturiste), Kenza Djurdjura, Katia Galou, Tinhinan Ouchiha et Boutal Abdennour. "Nous sommes satisfaits du résultat de cette première rencontre. Nous avons espoir de réussir à réinvestir le terrain associatif et renforcer les liens entre les acteurs, les partenaires et la société civile pour débattre, non seulement des fondements de nos valeurs sociales, mais aussi de la démocratie, la citoyenneté, la laïcité et le vivre-ensemble. Les formes de répression ont changé, il est temps de changer les formes de lutte", ont estimé les organisateurs de la rencontre. H. Kabir