Taïwan n'est pas prêt de se laisser absorber par son puissant voisin, la Chine. Près de un million de Taïwanais, dont le président Chen-Shui-bian, ont protesté samedi dans les rues de Taïpei contre la récente loi chinoise autorisant Pékin à utiliser la force pour empêcher l'île de déclarer son indépendance. Les taïwanais souhaitent, tout de même, ne pas entrer dans un conflit militaire contre leurs cousins du continent, inégale de toutes les façons. La manifestation devait culminer par des lâchers de ballons, de colombes et des chants marquant le désir de paix de ces Chinois insulaires. À la tête, un cortège, 706 enfants, arborant des autocollants dénonçant le nombre équivalent de missiles chinois déployés contre Taïwan. Le président Chen, qui a échappé à un attentat, il y a un an, à la veille de sa réélection, accompagné de sa famille, devait insister sur le caractère pacifique de sa démarche, exhortant les autorités de Pékin à annuler leur nouvelle législation sur Taïwan, notamment les dix clauses de la loi, adoptée la semaine dernière par les députés chinois, et dont l'article 8 légitime une intervention armée si Taiwan s'acheminait vers “une indépendance formelle”. Le Parlement chinois a adopté, le 14 mars, une loi anti-sécession qui permet au pouvoir de recourir à des “moyens non pacifiques”, en cas de déclaration d'indépendance formelle de Taïwan. L'île est séparée de fait du continent, depuis 1949, mais elle est toujours considérée partie intégrante de la Chine par Pékin. La loi a suscité les condamnations des Etats-Unis et du Japon et instillé des dissensions au sein de l'Union européenne sur la question d'une levée de l'embargo sur les armes vendues à la Chine. Pour sa part, Pékin, qui a récupéré Hong Kong, n'a jamais caché l'intention de se réapproprier l'île taïwanaise. Le pire a été frôlé à plusieurs reprises, mais, au nom de la realpolitik, Pékin a toujours laissé faire. D'abord, pour ne pas entrer en confrontation directe avec le Etats-Unis, parrains de l'île, et, par la suite, au nom du réalisme économique. D. B.