Le gouvernement français craint des débordements, compte tenu du climat électoral survolté. Une forte mobilisation a gagné les milieux des anciens de l'Algérie française qui prévoient de manifester. La commémoration du 55e anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie intervient cette année dans une ambiance électorale surchauffée. Un des thèmes de campagne développé par la droite et l'extrême droite consiste à vouloir coûte que coûte réécrire l'histoire, en enjolivant la colonisation et en mettant sur un piédestal les anciens militaires qui ont pris part aux opérations de l'armée française en Afrique du Nord, surtout en Algérie. La plupart des municipalités de droite ont décidé de marquer la date du 19 mars en organisant des cérémonies de recueillement, dédiées exclusivement aux victimes françaises de la guerre d'Algérie. Une panoplie d'associations d'anciens combattants et de pieds-noirs sont partie prenante de l'événement. Certaines comptent même manifester pour faire valoir leur propre version de l'histoire. Les propos tenus à Alger par le candidat à la présidentielle Emanuel Macron ont libéré la parole des plus ultras qui estiment injurieux de considérer la colonisation française en Algérie comme une forme de crime contre l'humanité. Une association de pieds-noirs, le Cercle algérianiste national, a d'ailleurs décidé d'attaquer en justice l'ancien ministre de l'Economie. Des anciens de l'Algérie française ont par ailleurs tenté de chahuter ses meetings. Leur mobilisation est encouragée par le soutien dont ils bénéficient auprès de la candidate du Front national, Marine Le Pen, et de son concurrent des Républicains, François Fillon. Dans leur course aux voix, ces derniers n'hésitent pas à convoquer la guerre d'Algérie, en insistant sur le rôle positif de la colonisation et en jouant sur les rancœurs des nostalgiques du paradis perdu. Face à ce climat très électrisé, le gouvernement a opté pour l'apaisement. Le président François Hollande renonce cette année à prendre part aux célébrations. Il sera remplacé par Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'Etat aux anciens combattants, qui présidera la cérémonie organisée à Paris, dans le cadre de la célébration de la Journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes de la guerre d'Algérie, des combats en Tunisie et au Maroc. Ce rendez-vous mémoriel a été institué en 2012 par le chef de l'Etat français. En 2016, M. Hollande avait suscité une vive polémique à droite et dans l'extrême droite en décidant d'assister pour la première fois aux commémorations marquant la fin de la guerre d'Algérie. Il avait notamment irrité ses adversaires politiques en choisissant cette date pour rappeler la cruauté du système colonial. Des associations de harkis et de pieds-noirs lui ont également reproché de nier les massacres qui ont ciblé leurs communauté après la date du cessez-le-feu. Depuis, le débat politique autour de la guerre d'Algérie s'est accentué. Les militants anticolonialistes se mobilisent aussi de leur côté pour que l'Etat français assume totalement son passif algérien. Une pétition lancée en janvier dernier par un groupe d'intellectuels (lire interview ci-contre) a reçu de très nombreuses signatures. Le collectif "Sortir du colonialisme" organise pour sa part une semaine anticoloniale qui devrait prendre fin ce lundi. Des rendez-vous divers ont ponctué cet événement qui appréhende la question coloniale dans sa globalité. Une mention spéciale est accordée à la guerre d'Algérie avec une série de projections de films et de conférences sur des figures de la révolution, comme Maurice Audin et Fernand Iveton, et des événements marquants, à l'instar des massacres du 17 octobre 1961 et du 8 mai 1945. Un des initiateurs de la semaine anticoloniale est Henri Pouillot, militant anticolonialiste reconnu, grand dénonciateur de la torture pendant la guerre d'Algérie. S. L-K.