L'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (Aarc) et l'association DiversCités ont organisé, les 18 et 19 mars, les "Rencontres Suisse-Algérie", qui ont vu la participation de témoins engagés et la projection de documentaires sur les accords d'Evian. Historiens et témoins engagés algériens et suisses étaient les invités de l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (Aarc) et de l'association DiversCités, les 18 et 19 mars, dans le cadre des "Rencontres Suisse-Algérie", à la Bibliothèque nationale (Hamma). Durant deux jours, à travers des projections et des conférences-débats, les intervenants ont apporté de nouveaux témoignages et ont tenté d'éclairer l'assistance (fort nombreuse) sur les relations qu'entretenaient les Suisses et les Algériens durant la guerre de Libération nationale. Outre les rencontres clandestines des membres du FLN et les négociations secrètes avec la France à Evian, encouragées par la diplomatie suisse..., de nombreux militants ont pris part, à leur manière, à la cause nationale, notamment dans la transaction financière, le trafic d'armes, les publications de livres ou de journaux interdits en France, les accueils de réfractaires français et de militants algériens... Pour éclairer le public sur cette page d'histoire, la deuxième journée de ces rencontres a été inscrite sous la thématique "Les Suisses, la Suisse et la Guerre d'Algérie". Avant d'entamer la conférence avec ces témoins, la manifestation a débuté avec la projection du documentaire Les coulisses suisses de la guerre d'Algérie (2013) de Pierre-André Thiébaud. Dans ce film de 75 mn, le réalisateur, à travers des images d'archives et de nombreux témoignages, retrace la période des accords d'Evian, notamment des négociations secrètes entre Tayeb Boulahrouf et le diplomate suisse Olivier Long. Les protagonistes du film ont évoqué, entre autres, le soutien des Suisses aux Algériens, et ce, en garantissant leur sécurité, leur déplacement et un logement... Un autre volet sur cette époque a été également évoqué : celui des parachutistes français déserteurs qui ont trouvé refuge au pays helvétique. "Nous n'avons aucun mérite quant à ce qui s'est passé en Algérie après 1962" Parmi les invités à ces journées, on peut citer Ali Haroun (responsable de la Fédération de France du FLN). Dans son intervention, il a tenu à apporter quelques "éclaircissements" sur des personnes qui ont vécu ces événements et qu'il a côtoyées lors de ses voyages clandestins en Suisse. Ali Haroun est revenu, notamment, sur sa première rencontre en 1958 avec Charles-Henri Favrod (journaliste), qui devait "me mettre en contact avec des personnes favorables à l'indépendance. À cet effet, il m'a présenté Marie-Madeleine Bruman, avec laquelle j'ai noué une grande amitié. Avec son mari, ils étaient importants pour la cause algérienne". Et de raconter : "C'est dans sa maison que les responsables régionaux des bureaux du FLN se réunissaient. Cette femme était constamment disponible pour nous." Il a également évoqué l'histoire d'un certain Abdelouaheb (clandestin), qui a réalisé un rapport sur les partisans suisses. Certes, ces militants étaient peu nombreux, mais ils ont énormément "contribué" pour l'indépendance du pays. À ce propos, ce rapport a révélé qu'ils n'étaient seulement que "25 à Genève, 25 en Lausanne et 43 à Zurich". Malgré le nombre "restreint", il fallait "s'organiser". À cet effet, il y a eu des comités d'aide qui publiaient des articles, des rapports... D'ailleurs, ces comités "nous ont permis de connaître les noms de nos amis suisses". Suite à son intervention, Ali Haroun est revenu un peu sur son parcours, allant jusqu'à 1962, et a fini par conclure : "Je préfère m'arrêter sur cette période, car nous n'avons aucun mérite quant à ce qui s'est passé après 1962." Les parachutistes "déserteurs" et militants ayant soutenu l'Algérie Pour rendre hommage aux Porteurs de valises européens, les organisateurs ont invité le militant suisse Jean Mayerat et le parachutiste français "déserteur", pour parler de leur expérience et dénoncer les crimes coloniaux. Jean Mayerat (ancien président de la ville d'Yvedon), qui s'est fait incarcérer en 1960, à la prison de Besançon, commente d'emblée avec le sourire : "Je m'adresse aux jeunes : si vous voulez faire quelque chose de clandestin, ne soyez pas un amateur !" En effet, ce militant, pour sa première mission clandestine, se fait arrêter à la frontière par la police française pour "avoir transporté le journal El Moudjahid". Dans son intervention, cet "amateur dans l'action politique" a précisé que lors de son séjour en prison (admis dans la section politique), il a découvert l'Algérie à travers ses compagnons de cellule. "L'organisation FLN en prison était très disciplinée pour garder la cohésion et l'organisation des groupes de détenus." Et de conclure : "Avec mes frères, nous avions des discussions politiques et nous ne parlions jamais de religion. Notre objectif était politique et social." Pour sa part, le réalisateur français André Gazut avait refusé de porter les armes. D'ailleurs, il a insisté sur le fait que "j'ai accepté de porter l'uniforme, tout en refusant de porter les armes". Alors, il sera incorporé, en 1958, infirmier-parachutiste, il déserte en 1960 et rejoint la Suisse. "Le soutien à la cause algérienne a pris deux formes : les insoumis et les déserteurs", a-t-il précisé. Et de renchérir : "En arrivant en Suisse, j'ai retrouvé plusieurs camarades de différents courants politiques, et au sujet de l'Algérie, nous ne parlions pas de paix, mais d'indépendance." L'intervenant avait également précisé avoir décidé de quitter le front, après avoir vu les horreurs affligées aux Algériens. Enfin, ces rencontres ont été clôturées par l'ambassadeur de Suisse accréditée à Alger, qui a tenu à indiquer "que ces journées ont été riches à travers les témoignages apportés par ces acteurs de cette période qui lie les deux pays". Hana Menasria