"Cette subite apparition de l'Orient par la porte d'or d'El-Kantara m'a laissé pour toujours un souvenir qui tient du merveilleux", disait Eugène Fromentin sur la ville des gorges, après son passage à Biskra en 1853, ébloui par la beauté et la singularité de cet endroit. C'est aussi à partir de cette citation que l'enfant du pays, en l'occurrence le peintre Salim Bouhali, a voulu rendre hommage à sa terre natale, à travers une série de portraits, en s'inscrivant dans la continuité des artistes qui l'ont visitée auparavant. "Je me suis inspiré des peintres orientalistes, qui travaillaient énormément la lumière de cette région dans leurs toiles. Je reviens toujours vers les anciennes peintures sur El-Kantara, avec ma propre touche et technique", a-t-il indiqué, avant d'ajouter : "J'ai essayé de traduire cet équilibre entre les tons chauds du Sud et ceux froids du Nord dans mes tableaux. Aussi, j'ai réalisé tous les paysages en aquarelle, pour laisser paraître cette transparence, une technique assez difficile je dois l'avouer, mais qui donne cet aspect pur et délicat, qui exprime un certain calme et la sérénité. Dans mes tableaux abstraits en revanche, il y a plus d'expression, il y a une immortalisation de certaines de mes émotions." El-Kantara, célèbre pour ses gorges verdoyantes, à mi-chemin entre Biskra et Batna, marque cette "césure" entre le Nord et le Sud, et représente une "boussole", un point d'ancrage cher aux yeux de l'artiste, qui constate, à travers ce point géographique, les différences entre les deux villes, leurs richesses et leurs originalités, et qui lui permet de se ressourcer, quand la ville devient trop envahissante. Portraits dessinés puis peints en aquarelle représentant des paysages de Kabylie, d'Alger, avec ses mosquées et ses ports, et Biskra avec ses palmeraies, à travers des tableaux comme Petit Paradis, Biskra ocre, Jamaâ-El-Jdid, où le peintre aura savamment combiné les tons chauds et froids, représentant les deux régions frontalières, avec, d'un côté, le climat montagneux de la capitale des Aurès, sa verdure, son ciel ombrageux et son air pur, et, de l'autre, les tons ocre d'un soleil gorgeant les palmeraies de ses rayons et sa lumière. Cette collection naturaliste occupe une partie bien distincte de la salle d'exposition, où lui fait face une série de toiles mi-abstraites, une volonté du peintre d'accentuer encore plus le contraste des deux univers ; picturalement, géographiquement et émotionnellement. Des toiles dominées par des jets frénétiques, des coups de pinceau spontanés et des saillies de couteaux qui juxtaposent des couleurs perçantes, comme le rouge, le noir et le jaune, occupent cette seconde série réalisée en acrylique et peinture à l'huile, rendant palpables les émotions de l'artiste, qui nous expliquera d'ailleurs : "Ma technique et la façon dont je m'exprime change radicalement dans ces œuvres, on est dans la peinture semi-figurative, semi-abstraite, je suis dans l'expression et l'immortalisation de mes sensations. Je me laisse aller dans mon atelier, où je compose spontanément mes toiles, sans aucune limite ni barrière, contrairement aux aquarelles, où j'étudie chaque détail." Une effusion du beau et une envie de partager une certaine conception du monde qu'est cette exposition haut en couleur, que l'artiste dédie à une région emblématique, qui aura marqué quelques grands noms de la peinture. À noter que cette exposition se tiendra du 18 mars au 14 avril au centre culturel Mustapha-Kateb (Alger). Yasmine Azzouz