"Les appels lancés pour le boycott des élections trouveront, sans aucun doute, de la part des "chevaliers du minbar", la réplique scientifique et légale", lit-on dans cette correspondance adressée à la direction des affaires religieuses d'El-Oued. à mesure qu'approche le rendez-vous électoral, le gouvernement, tétanisé par le spectre de l'abstention, déploie un trésor d'imagination dans l'espoir de mobiliser une population démissionnaire. Outre la campagne médiatique et des appels des membres de l'Exécutif dont le dernier, celui du Premier ministre, le gouvernement vient d'appeler à la rescousse les imams, sollicités pour sensibiliser la population sur l'importance du prochain rendez-vous en les exhortant à se rendre massivement au scrutin du 4 mai prochain. "Les imams doivent œuvrer à convaincre et à sensibiliser les citoyens quant à l'importance des élections législatives tout en observant la neutralité étant donné que les lois de la République interdisent aux imams de prendre le parti d'aucune formation politique dans leurs prêches", a affirmé, jeudi dernier, à la presse, en marge d'une session de formation au profit des imams à Alger, le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Mohamed Aïssa. Dans une correspondance adressée aux directions des affaires religieuses au niveau des wilayas, le ministère de tutelle a invité les imams à focaliser leur prêche d'hier sur les "valeurs de citoyenneté" et à "inciter les citoyens à participer massivement pour parachever les réformes au service du pays". Les imams sont même invités à "s'élever contre ceux qui veulent entraver le processus électoral", dans une allusion à ceux qui prônent le boycott. "Eux (les imams, ndlr) qui ont gravé la stabilité, la sécurité et le développement ne vont pas renoncer à une autre étape de la construction et de la continuité au service de la religion et du pays. Les appels lancés par certains, à travers divers espaces, pour le boycott des élections trouveront, sans aucun doute, de la part des ‘chevaliers du minbar', la réplique scientifique et légale", lit-on dans cette correspondance adressée à la direction des affaires religieuses d'El-Oued et dont nous détenons une copie. Comme le reste du gouvernement, le ministre n'hésite pas à faire ce qui s'apparente à "un chantage à la peur" en invitant les imams à évoquer le sort de certains pays arabes touchés par le "Printemps arabe". "Dans cette conjoncture sensible et cette étape historique, nous implorons les imams à axer leurs prêches, outre les dimensions spirituelles, religieuses et les textes qui renforcent la stabilité, à raffermir le patriotisme et la citoyenneté comme valeurs authentiques, à mettre en garde contre les dangers de la fitna, ses causes et ses conséquences, et à évoquer les pays qui en ont payé le tribut." Mais le plus curieux est que cette invitation s'inscrit en violation d'une des dispositions de la loi électorale. En effet, dans son article 184, la loi organique relative au régime électoral, publiée en août 2016, dispose que "l'utilisation, sous quelque forme que ce soit, des lieux de culte, des institutions et des administrations publiques, ainsi que des établissements d'éducation, d'enseignement et de formation, quelle que soit leur nature ou leur appartenance, à des fins de propagande électorale, est interdite". L'implication des imams n'est-elle pas, dès lors, considérée comme de la propagande électorale ? Ne sommes-nous pas face à un cas "d'utilisation des lieux de culte" même si le ministre prend le soin de rappeler la nécessaire neutralité des imams ? Au-delà du fait qu'elle traduit la peur des autorités de voir le prochain scrutin boudé par les électeurs, la mobilisation des imams rappelle, si besoin est, que l'instrumentalisation de la religion a toujours été une constante. Mais on en connaît le bilan. Karim Kebir