Le ministre délégué aux Collectivités locales contredit le grand argentier du pays : il convient de ne pas trop tirer sur les cordons de la bourse au risque d'une explosion sociale. Le ministre des Finances n'est pas satisfait des augmentations des prix intervenues dernièrement en matière de carburants, d'électricité, d'eau… Non pas parce qu'elles sont brutales ou excessives, mais plutôt insuffisantes, juge le grand argentier du pays. Abdelatif Benachenhou, intervenant à l'ouverture de la rencontre internationale sur “le financement du développement durable en Algérie”, reconnaît “les efforts des pouvoirs publics” en matière de tarification “des ressources mises à la disposition des usagers”. Seulement, le ministre qualifie ces efforts de “timides” et la politique de libéralisation des prix de “lente”. Abdelatif Benachenhou parle “de résistances au changement” ; il ne cite personne, mais explique que cette “résistance ne vient pas nécessairement de ceux qui sont le plus dans le besoin”. Abdelatif Benachenhou se dit “sans état d'âme”, convaincu que sa politique est la plus logique. “Lorsqu'on est responsable de la politique budgétaire, il faut prévoir pour aujourd'hui et demain”, insiste-t-il. Il cite trois contraintes qui, actuellement, pèsent sur le budget : le service de la dette extérieure, le budget social de la nation, important aux yeux du ministre, et le poids budgétaire de la mobilisation et de l'usage des ressources naturelles jugé aussi “trop important”. Concernant le budget social de la nation, le ministre précise qu'il ne se situe pas dans la logique de restriction, mais pose le problème de transparence. Ces trois contraintes, explique le ministre, font que “le mode de financement actuel n'est pas durable, et qu'il faut impérativement équilibrer le système”. L'idée chère à Benachenhou est de passer “du tout-Etat à une situation où les usagers (entreprises, ménages, exploitants agricoles) prennent une part du fardeau”. Il trouve, par exemple, inacceptable que le paysan algérien paye l'eau 7 fois moins que le Tunisien. C'est le cas pour le dessalement d'eau de mer. En évoquant cette question, Benachenhou soutient “que même une bonne idée peut être excessive”, en précisant tout de même que le ministre des Finances partage les orientations du gouvernement et du président de la République. Seulement, “il faut maîtriser le financement”, avertit-il, car, souligne-t-il, c'est le Trésor public qui paie in fine. Cette manière de voir les choses n'est pas partagée par certains ministres. Le délégué aux Collectivités locales, du moins, pense différemment. Il suggère, indirectement de ne pas “trop tirer sur la bourse” au risque d'une explosion sociale. Pour lui, il faut plutôt “veiller à la vérité des coûts de production”. Dahou Ould Kablia prône la décentralisation en suggérant au ministre de “transformer le fonds commun des collectivités locales en caisse pour le financement du développement local, puisque la BDL ne le fait plus. Pour concrétiser un développement durable, il est nécessaire d'attribuer aux élus les moyens, mais aussi le pouvoir de décision”, a-t-il dit. Le ministre des Finances annonce deux priorités de son département, le financement du développement humain et celui des réformes économiques. Concernant le développement, M. Benachenhou estime que plus de 100 000 diplômés de l'enseignement supérieur sont au chômage. Du coup, dit-il, “il faut réformer l'économie pour qu'elle puisse procurer de l'emploi”. La réforme, explique-t-il, “s'achète” en annonçant qu'il a procédé à l'assainissement, encore une fois, des portefeuilles des banques “la semaine dernière”. Le ministre ne précise pas le montant de cet assainissement. Toujours sur le volet du développement humain, le ministre s'inquiète de l'augmentation du nombre de mariages, ces cinq dernières années. Le budget de la santé reste insuffisant Les mariages passent de 158 000 en 1998 à 240 000 en 2003. “La croissance démographique que connaît l'Algérie rend intenable la polarisation budgétaire actuelle car l'Etat doit assurer la continuité de ses financements”, a-t-il dit. Et d'ajouter : “Notre ultime objectif est d'arriver à un niveau de financement qui assure l'équité territoriale, sociale et entre les générations.” Sur ce point, le ministre de la Santé, à son tour, lui apporte la contradiction. Pour le professeur Redjimi, les chiffres annoncés par Benachenhou doivent être restitués dans un contexte global de la population. Pour le ministre de la Santé, l'âge du mariage a considérablement reculé (34 ans en moyenne). Le taux de croissance de la population est passé de 4% à 2,4%. Le budget de son secteur est estimé à 8% du budget de l'Etat, alors que, précise-t-il, “les chefs d'Etat africains recommandent 15%”. Le ministre des Finances ne répond pas, préférant “laisser la polémique” aux experts qui, durant deux jours, traiteront en atelier les questions de financement, de l'énergie, des ressources en eau, des ressources agricoles, de la lutte contre la pollution et enfin du transfert de la ville de Hassi-Messaoud. Il termine son intervention par “un rêve”. Celui “d'une Algérie banale, qui règle ses problèmes d'une manière normale et non spécifique”. M. R.