Le débrayage des techniciens et travailleurs de la maintenance aérienne a provoqué à la fois le désarroi et la colère des passagers d'Air Algérie. À Constantine, Annaba ou Sétif, le même constat a été fait suite à cette grève. À Constantine, tout a commencé tôt dans la matinée d'hier, à 7h30, quand les passagers du vol AH 6027 à destination d'Alger, le premier de la journée, n'ont pu embarquer à bord du 737 de la compagnie Air Algérie. Désarroi chez les passagers de ce vol matinal, souvent choisi en raison de sa ponctualité. 8h, c'est au tour des passagers du vol AH 1170, à destination de Mulhouse, de ne pas franchir le guest door de l'aérogare de Constantine. Le même sort sera réservé, une heure après, à ceux du vol AH 1460 à destination de Lyon. Au fur et à mesure que des passagers sont laissés en rade, la tension monte dans l'aérogare et le personnel au sol des différentes compagnies aériennes tente difficilement de rester maître d'une situation qui lui échappe. 11h. Enfin, les premiers départs depuis l'aéroport de Constantine vers les aéroports d'Alger, de Marseille et de Lyon sont annoncés et effectués immédiatement. Il s'agit de vols jumelés afin de parer au plus urgent. On évite de parler de vols annulés mais juste différés et on rassure que la compagnie mettra tout en œuvre pour assurer les vols programmés pour la journée : la pression baisse. 13h. On annonce la fin de la grève, par médias interposés. Autre son de cloche chez un syndicaliste croisé à la cafétéria de l'aéroport. Selon notre interlocuteur, "juste un accord sur le service minimum a été trouvé". 14h10. L'hôtesse de l'EGSA annonce le premier atterrissage du premier avion sur le tarmac de l'aéroport Mohamed-Boudiaf de Constantine. C'est l'appareil qui a fait, trois heures auparavant, Constantine-Marseille en vol jumelé, qui est de retour. Cette éclaircie sur le ciel AH est de courte durée. Les plans de vol sont actualisés sur les écrans d'affichage de l'aérogare. Le vol à destination d'Alger prévu pour 15h30 est annulé. Sont annulés, aussi, deux autres vols domestiques, ceux à destination d'Adrar et de Hassi-Messaoud. Le vol international Constantine-Mulhouse différé la matinée est définitivement annulé. Retour de l'énervement chez les passagers. L'aérogare renoue avec les scènes d'impatience et de désordre. Aux passagers laissés en rade s'ajoutent les parents venus accueillir les leurs, attendus dans les vols de l'après-midi. Même topo à l'aéroport du 8-Mai-45 de Sétif. Plusieurs vols domestiques et internationaux de la compagnie nationale, en partance de l'aéroport de la ville ont été soit annulés, soit reportés. Une grosse pagaille dans la salle d'attente où des centaines de voyageurs sont livrés à leur sort. Des chaînes interminables devant les guichets d'Air Algérie. "Un vrai black-out" Certains voyageurs demandent des renseignements et des explications sur leur vol, d'autres veulent se faire rembourser afin de réserver dans d'autres compagnies concurrentes. Tous les voyageurs dénoncent ce qu'ils ont qualifié de prise d'otage. La mention "retardé" ou "annulé" est sur tous les tableaux d'affichage. Un véritable cauchemar pour la plupart des personnes que nous avons rencontrées dans la salle d'attente qui s'est avérée trop exiguë pour contenir le grand nombre de voyageurs et leurs accompagnateurs venus des quatre coins de la région. "Ma fille m'a accompagné ce matin et elle est repartie car elle travaille. Je devais rentrer en France par le vol de 8h30, mais l'avion d'Air Algérie n'est pas arrivé pour assurer la desserte Sétif-Paris. Je suis coincé ici", nous dira un septuagénaire. Mohamed de BBA, un vieil homme souffrant d'une maladie chronique, nous a indiqué qu'il a raté son rendez-vous avec son médecin à Paris. "Je sais que ça va être difficile pour avoir un autre rendez-vous. On m'a accordé un visa d'un mois et ce n'est pas évident d'avoir un autre rendez-vous cette semaine. Je dois rentrer pour voir d'abord avec le médecin. J'attends mon fils qui va me récupérer pour rentrer à la maison", a déploré le septuagénaire qui paraît très déçu. Grand moment d'angoisse pour les usagers de l'aéroport Rabah-Bitat d'Annaba, hier matin, à l'annonce de la grève surprise des personnels de maintenance de la compagnie Air Algérie et de la suspension des vols domestiques et internationaux. Les premiers à faire les frais de cet arrêt de travail inopiné auront été les passagers à destination d'Alger, de Marseille et de Milan, qui étaient programmés tôt dans la matinée d'hier, mardi. Eux-mêmes, surpris par cette grève sauvage et à court d'arguments, les agents d'escale de l'aérodrome n'en menaient pas large face aux récriminations légitimes de leurs clients qui demandaient à savoir pourquoi ils n'avaient pas été avisés de ce fâcheux contretemps. Nombreux étaient ceux d'entre ces passagers désemparés, qui hurlaient carrément de colère, pour un rendez-vous important raté à Alger ou outre-Méditerranée, sinon pour un engagement professionnel, qu'ils ne pourraient respecter du fait de cette déconvenue. Chacun y allait de son couplet pour fustiger la compagnie aérienne, ses dirigeants, les syndicalistes et le gouvernement... Les lamentations et les coups de gueule se sont poursuivis jusqu'à 11h, lorsque les préposés aux guichets du box d'Air Algérie ont commencé à procéder simultanément à l'embarquement du premier vol sur les cinq prévus sur Alger et sur celui à destination de Marseille Provence. Cette annonce a eu le don de ramener le sourire sur le visage des passagers concernés et les files se sont immédiatement formées pour acquérir au plus vite le fameux sésame et se rassurer enfin, après avoir désespéré un moment d'aller au bout de leur voyage. "J'ai épuisé mon congé et je devais reprendre mon travail ce mercredi à Aix-en-Provence. Mes patrons n'auraient jamais admis que je m'absente et j'aurais eu certainement des problèmes. Marre de ces grévistes qui mettent ici comme en France les gens dans l'embarras et qui n'ont rien à voir avec leurs revendications", peste tout de même, ce quinquagénaire rencontré à la terrasse de la cafétéria de l'aérogare. Dans la salle d'attente, un jeune se présentant comme le représentant d'un groupe industriel, se prépare à embarquer, avec quatre heures de retard sur le vol d'Alger programmé à 7h du matin. Lui aussi semble catastrophé par l'annulation de son vol parce qu'il devait assister à une réunion avec ses responsables de la capitale dans la matinée. "Je poireaute ici depuis le lever du jour et personne n'a pu m'expliquer ce qui se passe. Les panneaux d'affichage n'indiquent rien et les agents d'escale se sont enfermés dans leurs bureaux, c'est vraiment le black-out", s'écrie-t-il, nous prenant à témoin. Le chef d'escale, que nous avons pu contacter, se montre rassurant quant à lui, en nous annonçant que les grévistes et la direction de sa compagnie sont arrivés à un compromis et que les vols ont repris. "Nous avons enregistré une perturbation de quatre heures mais je pense que nous pourrons rattraper ce retard. Le vol sur Marseille est prêt à partir, alors que le même aéronef pourra prendre en charge les passagers devant se rendre à Milan dans l'après-midi. Nous pourrons, avec quelques difficultés, organiser les cinq vols sur la capitale avec un décalage que nous espérons le moins pénible possible", assure ce responsable avec un sourire gêné. Mourad Kezzar/B. Badis/F. Senoussaoui