"Les 1 600 entreprises, membres de l'Agea, sont en souffrance", se plaint Mouloud Kheloufi, qui estime les créances impayées à 750 milliards. "C'est une catastrophe." Le président de l'Association générale des entrepreneurs algériens (Agea), Mouloud Kheloufi, joint par téléphone, ne mâche pas ses mots pour qualifier la situation de grandes difficultés, dans laquelle se retrouvent les entreprises du secteur du bâtiment, des travaux publics et de l'hydraulique (BTPH). Les restrictions budgétaires décidées par le gouvernement, pour faire face à l'amenuisement des ressources, ont durement impacté le secteur du BTPH. Alors qu'elles sont confrontées au problème de recouvrement de leurs créances, les entreprises font face, aussi, selon l'Agea, à la pression conjuguée des charges obligatoires induites par les échéances de paiement des salaires, des charges sociales et fiscales. Si certaines entreprises ont pu terminer tant bien que mal l'année 2016, malgré les retards de paiement, l'année en cours s'annonce des plus pénibles. Elles sont déjà nombreuses à se plaindre des retards de paiement qui s'accumulent. La chute drastique des revenus du pays, qui est profondément ressentie par la plupart des opérateurs économiques nationaux, en particulier ceux activant dans le secteur névralgique du BTPH, déteint sur les entreprises de réalisation, lesquelles sont constamment confrontées à d'énormes difficultés de trésorerie. La plupart se trouvent au bord de l'asphyxie. "Les 1 600 entreprises membres de l'Agea sont toutes en souffrance", se plaint Mouloud Kheloufi, qui estime les créances globales impayées à 750 milliards. "Il y a des entreprises qui n'ont pas été payées depuis six ou sept mois", a révélé le président de l'Agea, indiquant qu'il avait saisi le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, sur l'incapacité pour ces entreprises, en difficulté de trésorerie, de payer leurs dettes fiscales et parafiscales au 30 avril 2017. L'Agea avait proposé d'autoriser les entreprises à faire leur déclaration sans payer leurs dettes fiscales et parafiscales. Les entreprises s'acquitteront de leurs dettes une fois leurs créances recouvrées. "Techniquement, l'opération est faisable", estime M. Kheloufi. Le Premier ministre a répondu favorablement à la demande de l'Agea. Le 26 avril dernier, dans une instruction, le Premier ministre a ordonné au ministre des Finances et à celui du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale d'instruire "les administrations concernées" du report du paiement des impôts et des taxes dus, ainsi que des cotisations sociales par les entreprises qui ont contracté des marchés avec les institutions publiques, jusqu'au paiement de leurs créances. Les entreprises avaient également trouvé un terrain d'entente avec les walis pour l'annulation des pénalités de retard des projets et la prorogation des délais de réalisation pour améliorer les conditions de travail des entreprises et la sauvegarde d'un million d'emplois qui sont menacés. "Jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu d'application de l'instruction du Premier ministre", regrette M. Kheloufi qui parle de dérive. Mais pour certains observateurs, la mesure prise par le Premier ministre n'est pas suffisante pour sauver les entreprises du secteur du BTPH qui sont mises sous la contrainte de la commande publique induite par le resserrement des dépenses publiques. Cette situation accroît le risque de mortalité de ces entreprises. Par conséquent, une menace sérieuse pèse sur des milliers d'emplois. Selon l'ONS, le BTP absorbe 17,5% de la main-d'œuvre totale. Mais au-delà du secteur du BTP, la crise touchera inévitablement l'industrie des matériaux de construction. Alors que ces dernières années, beaucoup d'investissements, encouragés par les pouvoirs publics, ont été réalisés dans ce créneau. L'Agea tiendra, samedi, au siège de l'organisation patronale à Bab Ezzouar (Alger), une réunion avec les présidents des bureaux de wilaya. Les impayés des entreprises, les 11 propositions de l'Agea qui sont acceptées par le Premier ministre et qui ne sont pas appliquées par les ministères du Travail et des Finances, les entreprises déclarées en faillite "à cause de l'administration et du ministère de l'Habitat" sont, entre autres, les sujets qui seront débattus lors de cette réunion. L'élargissement de la short-list des entreprises de réalisation et l'intégration d'autres sociétés nationales dans la réalisation des projets figurent parmi les propositions de l'Agea. L'association patronale propose la création de zones industrielles spéciales BTPH. L'Agea pose également la question de la promotion immobilière et du suivi d'application du "pacte de croissance économique et social" au niveau local. L'Agea souligne la nécessité de créer un observatoire national pour la PME/PMI/TPE. Meziane Rabhi