Parmi tous les ministères qui ont disparu du nouvel organigramme du gouvernement d'Emmanuel Macron figure le secrétariat d'Etat en charge des anciens combattants et de la mémoire qui était rattaché à la défense nationale. C'est la seconde fois sous la 5e République française que ce département est supprimé (la première fois remonte à 2010). Interrogé par Liberté, l'historien Benjamin Stora pense que cette disparition peut s'expliquer par des raisons budgétaires, dans la mesure où les nouvelles autorités du pays se sont engagées à faire des économies sur le fonctionnement des institutions. Pour autant, il n'exclut pas d'autres motivations, comme la volonté du nouveau locataire de l'Elysée de rompre avec le passé et ce qui le représente le plus : la guerre d'Algérie. "Soit on veut mettre cette guerre à distance pour affronter l'avenir, soit on est dans le déni", affirme notre interlocuteur. Dans un cas comme dans l'autre, le déclassement de la question coloniale dans l'ordre des priorités de Macron serait en contradiction avec son discours électoral sur le sujet. En visite en Algérie, il avait notamment qualifié de crimes contre l'humanité les atrocités de l'armée française. Passé le constat, celui qui est devenu depuis président donne, quelque peu, l'impression de vouloir tourner la page. "Il y a eu des drames durant cette guerre. Je veux passer à une autre étape. Je ne veux pas rester dans cette guerre des mémoires. Je ne suis ni dans la repentance ni dans le déni", a-t-il répondu, par exemple, à la présidente du Front national, lors du débat de l'entre-deux tours. Si telle est effectivement son intention, qu'adviendra-t-il des dossiers déjà ouverts pour le règlement du contentieux mémoriel entre la France et l'Algérie ? Un certain nombre de questions comme la restitution des archives coloniales, les disparus de la bataille d'Alger et l'indemnisation des victimes des essais nucléaires a été, ces deux dernières années, au centre de discussions bilatérales entre le secrétariat des Anciens combattants qui vient d'être supprimé et le ministère des Moudjahidine. Les responsables des deux départements se sont rendu visite et des commissions ont été mises sur pied. Selon des sources, il n'est évidemment pas question de remettre en cause ce qui a été fait ou de l'arrêter. "Les dossiers seront reversés probablement au Quai d'Orsay", estime pour sa part Benjamin Stora. Contrairement à l'ex-président François Hollande dont il était l'un des conseillers avisés sur l'Algérie, l'historien n'a pas de liens très étroits avec Macron, du moins pas encore. Ce dernier l'avait consulté avant son départ à Alger en février dernier. Mais depuis, il n'y a pas eu d'autres contacts entre les deux hommes. Aussi, Stora n'a pas vraiment de certitudes sur ce que fera le nouveau chef de l'Etat français. À titre de rappel, les deux derniers qui l'on précédé à l'Elysée avaient réservé leurs premières visites officielles hors d'Europe à notre pays. Leurs déplacements avaient été marqués par un grand enthousiasme. Ni l'un ni l'autre ne sont parvenus, toutefois, à apaiser les rancœurs autour de la guerre d'Algérie. Un ministre de Macron opposé à la reconnaissance des crimes coloniaux Emmanuel Macron ne semble pas avoir fait cas des positions de Gerald Darmanin sur la guerre d'Algérie, en décidant de le nommer au sein de son gouvernement, en qualité de ministre de l'Action et des Comptes publics. Cet élu de droite et proche de l'ancien président Nicolas Sarkozy s'est illustré par des déclarations défavorables aux différentes initiatives visant à rétablir la vérité sur le passé colonial de la France en Algérie. Il a notamment critiqué Macron avec virulence en février dernier, lorsque celui-ci avait parlé, à Alger, de crimes contre l'humanité. "Honte à Emmanuel Macron qui insulte la France à l'étranger", avait-t-il tweeté. Petit-fils de harki, Darmanin s'est également illustré en dénonçant la commémoration en France du 19 Mars qu'il a jugé "insupportable" et "scandaleuse". De PARIS : Samia Lokmane-Khelil