On évoquait depuis quelques jours, et avec insistance, l'éventualité d'une reconduction qu'on présentait comme certaine de M. Sellal à son poste, alors que d'autres avançaient la piste fantaisiste de Chakib Khelil, avant que Bouteflika sorte une surprise. Mais au fond, c'est juste un homme de confiance qui en remplace un autre. C'est en fin de compte Abdelmadjid Tebboune qui a hérité du poste de Premier ministre et qui conduira, donc, le prochain gouvernement issu des élections législatives du 4 mai dernier. Alors que beaucoup d'observateurs pensaient que la reconduction d'Abdelmalek Sellal était chose acquise, surtout lorsque ce dernier avait été chargé par le chef de l'Etat de mener des consultations avec certaines formations politiques pour la formation du nouvel Exécutif, pendant que d'autres pronostiquaient la nomination à ce poste du très controversé Chakib Khelil, le choix du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, s'est finalement porté sur le ministre de l'Habitat, un fidèle parmi ses fidèles. M. Sellal, comme le veulent la tradition et le protocole, a présenté sa démission et celle du gouvernement au chef de l'Etat qui, selon les termes du communiqué de la présidence de la République, l'a félicité lui et son équipe "pour le travail qu'ils ont accompli". Suite à quoi, le Président a procédé, conformément à l'article 91, alinéa 5 de la Constitution, et "après consultation de la majorité parlementaire", à la désignation de M. Tebboune au poste de Premier ministre, tout en chargeant les membres du gouvernement démissionnaire "de vaquer aux affaires courantes de leurs secteurs respectifs, en attendant la nomination du gouvernement". Certes, la désignation d'Abdelmadjid Tebboune, âgé de 72 ans, à la tête du Premier ministère, peut, à première vue, paraître comme une surprise. En effet, alors que l'on se dirigeait vers la nomination d'un nouveau gouvernement après l'organisation du scrutin législatif, son nom, faut-il le noter, n'a pas été parmi ceux qui ont été les plus cités pour conduire le prochain Exécutif. Mais en réalité, si l'on suit de près son parcours, son statut de membre du comité central du Front de libération nationale, le parti du Président, mais aussi, et surtout, sa proximité politique avec le chef de l'Etat, tout ou presque le prédestinait à de telles responsabilités. Enarque, spécialité économie et finances, et plusieurs fois wali, il avait été désigné ministre délégué, chargé des Collectivités locales entre 1991 et 1992 dans le gouvernement Ghozali, mais c'est en 1999, avec l'arrivée de Bouteflika au pouvoir, qu'il devient ministre à part entière, chargé du très sensible département de la Communication et de la Culture, mais pour 6 mois seulement. Il reprend, en effet, en mai 2001, le poste de ministre délégué chargé des Collectivités locales dans le gouvernement Benbitour. Puis, quelques mois plus tard, il est désigné à l'Habitat dans le gouvernement Benflis II, et ce, jusqu'à juin 2002. Ses rapports très amicaux avec Bouteflika ont fait que même s'il n'avait pas fait partie du gouvernement cinq ans durant, M. Tebboune a continué à bénéficier de la confiance du chef de l'Etat qui n'a pas hésité à lui confier plusieurs missions à l'étranger. En 2012, il retourne à l'Habitat en tant que ministre, poste qu'il occupera au sein des différents gouvernements dirigés par Sellal, jusqu'à sa désignation en tant que Premier ministre. La confiance dont il jouit clairement auprès du chef de l'Etat a, d'ailleurs, joué en sa faveur au début de l'année en cours, puisque c'est lui qui a été chargé de remplacer, à titre intérimaire, Bakhti Belaïb, au Commerce, au moment où ce dernier, alors gravement malade, ne pouvait plus assumer ses fonctions. Il continuait donc, jusqu'à sa nomination, hier, à la tête de l'Exécutif, à cumuler les charges de deux départements ministériels. Une position qu'il doit, à nouveau, à la relation de confiance toute particulière qu'il entretient avec le président Bouteflika qui, d'ailleurs, l'avait décoré, il y a tout juste une année, de l'Ordre du mérite national. Une distinction que le chef de l'Etat avait réservée à lui et au wali d'Alger, Abdelkader Zoukh, puisque le reste de l'équipe gouvernementale n'a pas eu droit à ce privilège. La réponse à ce choix est, sans aucun doute, à rechercher du côté de l'implication directe et intensive des deux responsables dans la gestion du lourd et sensible dossier du logement. Les autorités connaissent, en effet, l'importance de ce portefeuille ministériel et la place qu'occupe la question du logement parmi les préoccupations du citoyen algérien. Abdelmadjid Tebboune et Abdelkader Zoukh, qui partagent la particularité d'avoir eu à gérer le dossier avec les nombreux programmes de construction et d'attribution, s'en sont, du point de vue des autorités, bien sortis, d'où le geste du président de la République à leur égard. Le nouveau Premier ministre s'est, dans le même ordre d'idées, entièrement impliqué, de par sa fonction de ministre de l'Habitat, dans un immense projet cher à Bouteflika, à savoir celui de la Grande mosquée d'Alger. Un chantier qu'il a réussi à mener, faut-il le dire, de main de maître, au vu du taux d'avancement des travaux. La ferveur qu'il avait mis à gronder, à chaque fois, le groupement de réalisation, afin de l'amener à accélérer la cadence des travaux pour respecter les délais de livraison, prévus, d'après lui, pour la fin de l'année en cours, lui a valu, selon toute vraisemblance, l'onction du chef de l'Etat. L'allocution lue au nom de Bouteflika par le président du Conseil de la nation, Abdelkader Bensalah, lors de la cérémonie de remise de la médaille de l'Ordre du mérite à M. Tebboune, en dit long sur la sympathie dont jouit ce dernier auprès du président de la République. "Cette distinction est un message clair qui valorise la place de ceux qui accomplissent leur travail et de ceux qui assument pleinement leur responsabilité", avait souligné, en effet, M. Bensalah, qui n'avait pas manqué d'ajouter que ce geste du chef de l'Etat "repose sur les résultats réalisés sur le terrain, dans le secteur de l'habitat, où le pays a accompli des avancées considérables reconnues, par ailleurs, par des spécialistes nationaux et internationaux". C'est dire que M. Tebboune bénéficie d'un préjugé fort favorable auprès du Président qui vient de lui confier la mission, certes difficile, de conduire un gouvernement dont la première mission est de faire face à une grave crise financière qui se profile déjà à l'horizon et qui, sans aucun doute, explique aussi le choix de Bouteflika. Hamid Saïdani