"On a l'impression que des mains invisibles font tout pour bloquer le développement économique du pays", déplore l'avocat. Le blocage des équipements importés par Cevital dans le cadre de son projet stratégique de trituration des graines oléagineuses perdure. Le directeur de l'Entreprise portuaire de Béjaïa (EPB) persiste dans son refus d'autoriser l'accostage du bateau transportant ces matériels. Le responsable de cette société publique justifie son opposition surtout par une exigence : Cevital doit informer l'entreprise portuaire sur la "destination finale" de ces équipements. La position de la direction de l'EPB n'a convaincu, à vrai dire, personne. Encore moins le comité de soutien aux travailleurs de Cevital, qui, ce jeudi, a organisé une marche de protestation dans les rues de Béjaïa, drainant une foule nombreuse, pour exiger la levée des entraves dressées devant cet effort d'investissement. Contacté par nos soins, Nourredine Benissad, avocat, nous explique que sur le plan légal, la décision de l'Entreprise portuaire n'est pas fondée. L'EPB, ou toute autre entreprise portuaire, n'a pas les prérogatives pour demander ce type d'information. C'est le rôle, notamment, de l'administration locale. Plus précisément, le code maritime ne lui accorde pas ces prérogatives. La convention internationale sur les régimes de transport que l'Algérie a ratifiée précise que l'autorité portuaire a droit aux informations uniquement sur le connaissement des navires : nature de la marchandise, nombre, dimensions et poids des colis, lui permettant de choisir le quai approprié pour le navire au sein du port. Sur la procédure en référé d'heure en heure, l'avocat ajoute que cette requête a été introduite dernièrement par Cevital suite au refus opposé à l'accostage et au déchargement d'un second navire. Cette requête était dictée par le caractère d'urgence de l'opération de débarquement des équipements importés. Mais légalement, "c'est le président du tribunal qui décide", indique Me Benissad. "Il lit votre requête et juge par la suite. La procédure est rapide. L'affaire peut être enrôlée à 9h et jugée à midi." Pour l'avocat, "il y avait suffisamment d'éléments qui justifiaient le caractère d'urgence de l'affaire". "Le bateau est là pour décharger la marchandise. Il a d'autres marchandises à embarquer dans les autres ports du monde. Quand on fait retarder un bateau, il reste dans les eaux territoriales algériennes. Cevital perd 20 000 dollars/jour au titre des surestaries, en raison du blocage du navire", explique-t-il. Mais pas seulement : l'opposition au débarquement des équipements de Cevital retarde le lancement des travaux d'un projet stratégique pour le pays, devant permettre la création d'un grand nombre d'emplois directs et indirects et de faire économiser des devises à l'Algérie. En dépit de ces arguments, le président du tribunal a rejeté l'introduction de l'affaire en référé d'heure en heure. "On a l'impression que des mains invisibles font tout pour bloquer le développement économique du pays", commente Nourredine Benissad. Devant ce rejet étonnant, Cevital n'a d'autre voie, selon l'avocat, que d'introduire l'affaire en référé ordinaire. Une procédure qui demande plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pour être traitée. Les déboires judiciaires de Cevital montrent comment ceux censés encourager l'investissement ne font rien pour débloquer un projet stratégique créateur d'emplois et qui entre dans la politique publique de substitution aux importations. Ils multiplient les entraves devant les créateurs d'emplois et de richesses dans un pays en butte à une crise financière aiguë et à une augmentation du taux de chômage. K. Remouche