Le Théâtre régional de Béjaïa a renoué, vendredi dernier, avec la production théâtrale. Et c'est le metteur en scène Djamel Abdelli qui s'y est collé. Et ce, en s'attaquant à une œuvre qui n'est pas d'un abord facile : La Poudre d'intelligence de Kateb Yacine, traduite en tamazight par le Dr Mezdad auquel l'auteur avait remis en 1975 le manuscrit en vue de le rendre accessible à un public berbérophone. C'est désormais chose faite. La nouvelle production de La poudre d'intelligence — que le producteur a eu du mal à traduire en kabyle, d'où le choix de La poudre aux yeux — rappelle combien deux âmes artistiques aussi éloignées et avec des trajectoires différentes pouvaient se compléter et s'enrichir mutuellement, en un laps de temps, afin de composer une partition autour d'un projet et d'une œuvre aussi magistrale. Le pari est assurément réussi aussi bien pour le metteur en scène, qui n'en est pas à sa première, que pour le traducteur, l'écrivain, poète et essayiste Amar Mezdad. Ils ont respecté fidèlement l'œuvre de l'immense écrivain et dramaturge Kateb Yacine. Et pour le traducteur, il s'acquitte d'une dette avec le sentiment du devoir accompli. Le thème de la pièce est toujours d'actualité, et aujourd'hui plus que jamais : la place de la religion en politique. Et Kateb Yacine pointait du doigt notamment son instrumentalisation par le pouvoir politique, incarné dans la pièce par un Sultan. Et la métaphore de la poudre n'est pas fortuite. Il fait allusion à la drogue. Et dans l'esprit de Kateb Yacine, la religion comme "l'opium du peuple" chez Marx. "Et cette religion, quelle qu'elle soit, et à quelque époque, et partout dans le monde, est utilisée à profusion par les gouvernants pour se maintenir au pouvoir, tout en maintenant leurs sujets dans la soumission", fera remarquer Nabil, un spectateur averti. Sept acteurs ont été mis en scène par Djamel Abdelli. Leur interprétation a été saluée par le public nombreux. Et, qui plus est, a payé sa place pour rentabiliser ce théâtre, qui a vu son budget réduit. Lequel théâtre avait connu, par le passé, des créations artistiques et mythiques. Le metteur en scène, qui a quitté par pudeur la salle à la fin de la représentation pour laisser place aux comédiens, très fortement applaudi, expliquera que "ce n'est ni une dramaturgie ni une comédie, mais une satire." Djamel Abdelli a particulièrement insisté sur le ridicule dans l'attitude du sultan en forçant un peu trop les traits. La pièce, après trois représentations successives au TRB, sera présentée sur d'autres planches. À savoir, Tichy, Amizour, Sidi Aïch et Akbou, durant ce mois de Ramadhan. Ensuite, une tournée sera programmée au niveau national, et la participation aux différents festivals de théâtre sera envisagée. M. Ouyougoute