Après Human Rights Watch et Amnesty International, c'est au tour de l'Organisation des Nations unies de pointer du doigt Washington pour la pratique de la torture. Manfred Nowak, le rapporteur spécial des Nations unies, estime qu'une enquête officielle doit être ouverte pour s'assurer de la véracité des accusations portées contre les Etats-Unis quant à l'existence de bateaux prisons où la torture est exercée sur d'importants détenus soupçonnés de terrorisme. “Il s'agit de rumeurs, mais elles sont suffisamment fondées pour mériter une enquête internationale”, a déclaré le haut fonctionnaire onusien. Selon les informations en sa possession, un navire américain mouillant dans les eaux de l'océan Indien aurait à son bord une dizaine de prisonniers suspectés d'appartenir à des mouvances terroristes. Ces derniers font l'objet d'interrogatoires très poussés à l'aide d'actes de torture pour leur soutirer d'éventuels renseignements. Cette hypothèse est corroborée par un expert international. Pour donner davantage de crédit à cette affaire, il affirme que “dans les eaux internationales, vous n'êtes sur le territoire de personne, et vous n'avez à obéir à aucune loi”. Ces nouvelles accusations viennent mettre l'Administration Bush dans l'embarras, d'autant plus qu'elles émanent d'un haut responsable de l'ONU. Ainsi, les affaires de torture et de profanation du livre saint du Coran à Guantanamo n'ont pas encore connu leur épilogue, que Washington est à nouveau désigné du doigt. Les témoignages à ce sujet ne cessent de s'entasser et les dépassements auraient été exercés dans de nombreux lieux des détentions. Outre Bragram en Afghanistan, Abou Ghraïb en Irak et Guantanamo à Cuba, un ancien prisonnier atteste avoir vécu la torture et assisté à la profanation du Coran dans la prison où il était détenu à Kandahar, la deuxième grande ville d'Afghanistan. Selon Airat Vakhitov, qui fait partie des sept ressortissants russes qui ont été libérés de Guantanamo en mars 2004, les soldats américains privaient des détenus de sommeil en mettant de la lumière ou de la musique très fort, qu'ils se servaient d'un gaz indéterminé et qu'ils ont même laissé une fois des chiens attaquer les prisonniers. À leur retour en Russie, les sept anciens détenus ont été incarcérés pendant trois mois avant d'être libérés en juin 2004. Airat Vakhitov affirme avoir lui-même assisté à des profanations du Coran lors de sa détention en Afghanistan. Dans son témoignage, il rapporte qu'“à Cuba, ils avaient l'habitude de jeter le Coran dans la cuvette des toilettes. Cela arrivait régulièrement et c'était destiné à nous provoquer”. Vakhitov ajoutera qu'à Kandahar, “ils déchiraient des exemplaires du Coran et en ont même mis un dans un seau d'excréments”. Les Etats-Unis auront apparemment beaucoup de mal à faire face à toutes ces accusations, de plus en plus étayées, de torture. Reste cependant à savoir si l'Administration, qui a tout nié en bloc, acceptera un jour l'ouverture d'une enquête internationale comme le réclament nombre d'organisations non gouvernementales de défense des droits de l'Homme. K. ABDELKAMEL