À la veille de la comparution en appel, demain devant la cour de Batna, de six membres de la communauté ahmadie, l'ONG Amnesty international (AI) a appelé les autorités algériennes "pour mettre un terme à la campagne de répression" contre ce mouvement religieux minoritaire apparu l'an passé en Algérie. Déclarés coupables, en première instance, de gestion d'une association non enregistrée, de collecte de dons sans autorisation et de diffusion de documents étrangers "constituant un danger pour les intérêts de la nation", ces adeptes de l'Ahmadiyya ont été condamnés, le 27 mars dernier, à des peines d'emprisonnement allant de deux à quatre ans et à des amendes d'un montant de 300 000 DA. "Il s'agit des peines les plus lourdes prononcées à ce jour contre des Ahmadis pour la pratique pacifique de leur religion", rappelle AI dans un communiqué rendu public hier. En tout, ils sont au moins 280 femmes et hommes ahmadis qui ont fait l'objet d'enquêtes ou de poursuites l'année dernière, après une vague d'arrestations qui a suivi le rejet par les autorités d'une demande d'enregistrement d'une association ahmadie et de l'inauguration d'une mosquée en juin 2016 à l'Arba (Blida), laquelle avait fait l'objet d'une descente de la part de la police. "La répression qui s'est abattue sur les Ahmadis l'année dernière est alarmante. Cette vague d'arrestations et de poursuites visant des Ahmadis montre clairement que les autorités renforcent les restrictions à la liberté d'expression dans le pays", a déclaré Heba Morayef, directrice des recherches sur l'Afrique du Nord à AI. "Les autorités algériennes doivent faire le nécessaire pour que les poursuites visant des Ahmadis qui sont uniquement liées à la pratique pacifique de leur religion soient abandonnées, et libérer immédiatement les personnes détenues", soutient-elle. Objet d'une campagne hostile menée par plusieurs responsables et relayée par nombre de journaux arabophones, les Ahmadis, considérés comme "hérétiques" ont vu leurs activités surveillées comme le lait sur le feu et leurs membres pourchassés. Il n'y a pas longtemps, des responsables de premier rang, à l'image d'Ouyahia lors de la récente campagne électorale, continuaient à mettre en garde contre cette communauté et à préserver le pays de ses agissements. Mais sous la pression, particulièrement des Etats-Unis, ils ont dû changer de ton. C'est ainsi que fin avril, soit à la veille de la présentation par l'ex-chef de la diplomatie, Ramtane Lamamra, du rapport sur les droits de l'Homme en Algérie, devant le mécanisme d'examen par les pairs à Genève, une conférence sur l'Ahmadiyya a été organisée au siège des AE. "L'Etat n'a pas l'intention de combattre la secte El-Ahmadiyya", avait assuré le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa. Mais pour nombre d'ONG, l'Algérie ne garantit toujours pas la liberté de religion en dépit des engagements des responsables politiques. "Le droit de pratiquer sa religion collectivement est un aspect fondamental du droit à la liberté de religion. Il est aussi important que le droit à la liberté individuelle de conscience. Tant que tous les groupes religieux et tous les lieux de culte devront obtenir l'agrément des autorités, il n'y aura pas de liberté de religion en Algérie", a déclaré Heba Morayef. Karim Kebir