La faiblesse du tissu de sous-traitance locale constitue le talon d'Achille de cette industrie naissante. L'Algérie a hérité d'une mauvaise conception de l'industrie automobile faute de large concertation avec les spécialistes et les professionnels du secteur au point que les autorités aujourd'hui constatent les dégâts d'une approche boiteuse du dossier à l'époque du prédécesseur d'Abdelmadjid Tebboune : manque à gagner fiscal, importation déguisée, implantation d'unités de montage en deçà des attentes en matière de création d'emploi, déstructuration du marché. En fait, l'Algérie a mis la charrue avant les bœufs. L'émergence d'une industrie automobile devait avoir pour préalable l'existence d'un tissu dense de sous-traitance. Faute d'avoir réuni cette condition, les trois unités de montage automobile existantes enregistrent des taux d'intégration très modestes : à peu près nuls pour les usines Hyundai de Tahkout et Volkswagen de Sovac. La seule usine qui a avancé dans ce domaine est celle de Renault en association avec la SNVI. Mais pour l'instant, son taux d'intégration reste modeste. On a remplacé en 2017 l'importation de véhicules par des véhicules montés en kits en Algérie coûtant plus cher que ceux importés précédemment. Une version de l'industrie tournevis qui caractérisait l'électroménager en Algérie et qui entraîne un manque à gagner fiscal, d'une part, par la suspension des importations de véhicules et, d'autre part, par les exonérations fiscales accordées à cette industrie naissante sans, au départ, apporter une valeur ajoutée significative à l'économie nationale. Le projet le plus structuré, l'usine Renault d'Oran, compte atteindre un montage de 100 000 véhicules/an à partir de 2020, contre une capacité de 60 000 à 75 000 aujourd'hui et un taux d'intégration de 40% à cette échéance. L'usine Volkswagen de Relizane, qui a également l'ambition de monter 100 000 véhicules/an à moyen terme, compte impliquer le constructeur pour parvenir à un taux d'intégration appréciable en 2022 grâce aux sous-traitants de la maison mère. Celle qui pose le plus de difficultés aujourd'hui est l'usine Hyundai de Tahkout de Tiaret où l'actionnariat n'implique pas le constructeur dans l'objectif d'une amélioration du taux d'intégration. On peut s'étonner de voir comment le précédent gouvernement a pu donner le feu vert à un projet sans que ce prérequis ait été garanti. L'usine de Tiaret ambitionne également une capacité de montage de 100 000 unités/an. Si le gouvernement Tebboune ne bouscule pas cette tendance en exigeant un taux d'intégration de 40% dans les deux ans à venir, l'Algérie ne risque pas d'avoir une véritable industrie automobile en 2020. Quand on sait que les besoins en véhicules de l'Algérie sont estimés à 200 000 véhicules/an et que les 3 projets existants déclarent le montage de 300 000 véhicules/an à moyen terme et que d'autres projets d'usine vont sans doute être approuvés comme celui de Peugeot, que fera-t-on de l'offre restante ? K. Remouche