“Le droit à l'eau” est levé dans le nouveau projet du gouvernement. Cette ressource devient dès lors inaccessible aux ménages ne pouvant pas la payer et ce, en contradiction avec les recommandations des Nations unies et de l'OMS. L'Assemblée nationale débattra, en plénière durant la semaine du 16 avril, le projet de loi relatif à l'eau. Le document est actuellement examiné par la commission parlementaire d'équipement. Les membres de cette structure n'y ont introduit aucun amendement de fond, à en croire des députés. Pourtant, le projet du gouvernement, qui abroge totalement le code des eaux en vigueur depuis 1983, présente de nombreux risques pour le consommateur. Ce dernier devrait payer, en vertu des nouvelles dispositions, son eau potable de plus en plus cher au fur et à mesure de l'application des règles de la concession. L'Etat a décidé de se désengager complètement de la gestion et de l'exploitation de l'eau potable pour se cantonner dans le statut de régulateur. Il incombera, dès lors, aux concessionnaires, de jouer ce rôle. Ils jouiront, par conséquent, de la prérogative de définir le prix de l'eau. Le projet de loi dispose en effet dans son article 138 que “les tarifs des services publics de l'eau sont fixés par l'organisme exploitant et facturés par ce dernier, comprenant totalement ou en partie des charges financières d'investissement, d'exploitation, de maintenance et de renouvellement des infrastructures liées à la gestion de ces services publics”. L'article suivant stipule : “Dans le cas où l'application d'obligation incidente conduit à des tarifs ne correspondant pas au coût réel justifié par le concessionnaire ou le délégataire, il pourra lui être attribuée une dotation financière compensatoire, équivalente aux charges additionnelles subies à ce titre.” L'Etat continuera à subventionner, le temps que les investissements des concessionnaires soient dûment amortis, le différentiel entre le prix à la consommation et le coût réel du m3. Mais à long terme, le citoyen sera astreint de payer rubis sur l'ongle sa consommation en eau potable. Le cas échéant, “le concessionnaire aura les moyens juridiques de lui couper l'alimentation en eau potable jusqu'à ce qu'il s'acquitte de ses factures”. Ce sont les autorités algériennes qui donneront ce pouvoir aux futurs concessionnaires, en levant, le “droit du citoyen à l'eau”, tel qu'il l'était consacré dans l'article 9 du code de 1983. Le gouvernement se limite à reconnaître “un droit d'utilisation des ressources en eau, dévolu à toute personne physique ou morale, publique ou privée, dans les limites découlant de l'intérêt général et dans le respect des obligations fixées par la présente loi et les textes réglementaires pris pour application” (article 3, alinéa 1 du projet de texte). L'Algérie ne prend pas, ainsi, en compte, les recommandations des plus influents organismes internationaux. En février 2000, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution considérant, “les droits à la nourriture et à une eau propre” comme “des droits humains fondamentaux”. En 2003, le Conseil mondial de l'eau a longuement débattu de la question avant de conclure que “l'accès à l'eau potable est un droit de l'homme”. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande, quant à elle, aux Etats du monde de se soucier de la santé publique en dotant, sans contrepartie financière, les foyers aux revenus faibles, de quantités minimales d'eau potable. Dans le projet de loi en examen à l'APN, le gouvernement a pris la peine de notifier la solidarité nationale en matière d'alimentation en eau propre à la consommation. La mise en œuvre de ce principe semble, a priori, assez aléatoire. “Si l'Etat algérien se désengage totalement de l'exploitation des ressources en eau, qui prendra en charge la consommation des pauvres ?” s'interroge Mekki Messahel, expert hydraulicien et membre du Conseil mondial de l'eau. Il paraît évident que les concessionnaires, quelles que soient leurs origines, ne se complairont pas dans les actions sociales en direction des couches défavorisées. Récemment, le ministre des Ressources en eau, Abdelmalek Sellal, s'est vanté d'un taux de 80% de raccordement au réseau d'alimentation en eau potable. Il a soutenu que l'Algérie a atteint, en conséquence, avant l'expiration du délai imparti aux pays membres de l'ONU fixé à 2010, les objectifs du millénaire. Pourtant, selon les experts, “ces objectifs ne se quantifient pas en taux de raccordement, mais en quantité et qualité de l'eau fournie à tous les citoyens, en particulier les plus démunis”. S. H.