Les parlementaires ont prévenu contre les risques d'émeutes provoquées par une hausse brutale du prix de l'eau, du fait du désengagement de l'Etat de la gestion des ressources hydriques. Le ministre des Ressources en eau, Abdelmalek Sellal, a présenté, hier dans la matinée, le projet de loi relatif à l'eau. Evidemment, le ministre a défendu, mordicus, les nouvelles options du gouvernement, arguant que les outils juridiques qui existent actuellement ne permettent pas une gestion pragmatique des ressources hydriques. Pour le membre de l'équipe d'Ahmed Ouyahia, l'ouverture du secteur à l'investissement privé est devenue incontournable dès lors que des biens précieux de la communauté (pétrole, électricité, terres agricoles...) ont été concédés au privé. Il a soutenu, par ailleurs, que les autorités feront preuve d'une plus grande rationalité dans la préservation des ressources hydriques, notamment à travers la réhabilitation des réseaux d'alimentation en eau potable qui enregistrent jusqu'alors un taux de fuite atteignant 30%. L'exposé de Abdelmalek Sellal a débordé sur des projets futurs du département, dont celui de l'installation des stations de dessalement de l'eau de mer qui permettront, dès qu'elles seront opérationnelles (pas avant plusieurs années), de produire quotidiennement un million de m3 d'eau potable. Il a parlé aussi des 21 stations d'épuration, qui seront bientôt en service, et de la réception, en 2007, de plusieurs barrages, lesquels alimenteront 10 millions de personnes et serviront à l'irrigation de 30 000 hectares dans les wilayas de l'Est. Naturellement, le ministre a omis de parler du point éminent de son projet, à savoir la levée du droit d'accès à l'eau et l'augmentation progressive des prix à la consommation de cette ressource. Pourtant, c'est sur les dispositions y afférentes que les 35 députés, ayant intervenu dans le débat général, l'ont épinglé. Le groupe parlementaire du MSP, qui a tenu avant-hier une réunion sur le projet de loi, envisage de proposer un amendement portant rétablissement de ce droit dans la nouvelle loi. Il mène des tractations avec les autres groupes parlementaires, particulièrement le FLN, pour que cet amendement soit approuvé en plénière. Lors du débat, il est revenu à Abdelkrim Dahmane d'étayer la position du parti. “Pour nous, l'accès à l'eau est un droit fondamental. Le lever signifie porter atteinte aux droits de l'homme, ce qui est inadmissible pour nous. C'est une revendication à laquelle nous ne renoncerons pas.” Le député MSP a affirmé qu'il “est tout à fait concevable de défendre l'aspect commercial, mais il faut aussi garantir une dotation minimale en eau aux couches défavorisées”. Djelloul Djoudi, président du groupe parlementaire du Parti des travailleurs, s'est également insurgé contre la suppression du droit à l'eau, pourtant consacré dans le code des eaux en vigueur depuis 1983. De son avis, le désengagement total de l'Etat du service public menacera la cohésion sociale. “Ce projet de loi assimile le citoyen à une proie entre les griffes du concessionnaire”, en ce sens que les Algériens ayant la capacité de payer leurs factures auront de l'eau, les autres en seront systématiquement privés. À ce titre, le parlementaire a averti contre les risques d'émeutes qui seront provoquées immanquablement à cause des effets des nouvelles dispositions de la loi. Ses collègues du PT ont carrément mis en garde le gouvernement contre la réédition, en Algérie, de l'expérience bolivienne où la conclusion de contrats avec une filiale du groupe Suez a abouti à une augmentation du prix de l'eau de 600%, entraînant une fronde populaire. Acculé, le gouvernement a résilié le contrat. Le groupe parlementaire du Parti des travailleurs a introduit une vingtaine d'amendements, portant essentiellement sur la non-privatisation de la gestion et l'exploitation des ressources en eau et de la protection des droits du citoyen. Abdelkrim Fenni, député FLN, a attiré l'attention sur les risques de la concession. Il a expliqué que cette option allègera certainement les charges sociales de l'Etat en sa qualité de propriétaire de la ressource. Il n'en demeure pas moins qu'elle aura, a-t-il soutenu, “des répercussions négatives sur les prix à la consommation qui augmenteront fatalement et qui mettront à mal les ménages à revenu faible”. S. H.