Liberté : Dans son projet de loi, le gouvernement a levé le droit du citoyen à l'eau et l'a remplacé par le droit à l'utilisation de cette ressource. Pouvez-vous nous expliquer la nuance ? Mekki Messahel : Le droit à l'eau signifie que chaque citoyen peut disposer d'une quantité minimale de cette ressource vitale pour satisfaire ses besoins essentiels. Cette disposition existe dans le code de l'eau de 1983, qui sera abrogé dans son intégralité par le projet de loi relative à l'eau, examiné actuellement par l'APN. Ce droit fondamental est défendu par les Nations unies, le Conseil mondial de l'eau, le Conseil de l'Europe, le Parlement européen, le Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme… Il préserve la dignité humaine, la santé publique et l'environnement. Le droit à l'utilisation veut dire pouvoir disposer de l'eau potable à condition d'en payer le prix. Ce qui risque de priver les couches défavorisées de la consommation de cette ressource. Il serait judicieux d'introduire dans le projet de la nouvelle loi le principe de doter chaque ménage d'une quantité minimale de 40m3 par an au prix symbolique d'un dinar ; au-delà de ce volume, les règles de la concession seront appliquées. Est-ce que l'eau coûtera plus cher puisque son prix sera défini, en vertu du projet de loi, par le concessionnaire ? Bien sûr. Le prix du mètre cube d'eau potable évoluera en fonction des charges financières, induites par l'investissement, la maintenance et l'exploitation commerciale liées à la gestion de l'eau par les concessionnaires. L'état se limitera, à moyen et long terme, à jouer le rôle de régulateur du secteur. Par voie de conséquence, il ne pourra plus subventionner le coût réel du m3, qui pourrait atteindre les 100 dinars pour une consommation économique de 25m3 par trimestre. Le prix pratiqué actuellement est de 26 dinars le mètre cube (après addition des taxes et des prélèvements obligatoires) pour une quantité similaire. Dès que la consommation excède les 25m3, le montant est quadruplé. Avez-vous relevé d'autres anomalies dans le projet du gouvernement ? Oui. 60% des principes juridiques, contenus dans ce projet, se réfèrent à la réglementation (décrets, ndlr). Ce n'est pas normal. Une affaire aussi importante doit être traitée par le législateur. L'article 60 du projet de loi prévoit les modalités d'élaboration, d'approbation, d'évaluation et d'actualisation du schéma national de l'aménagement de l'eau par voie réglementaire. à mon avis, vu l'importance de ce secteur, il est nécessaire de définir ces actions par voie législative et ce pour deux raisons. L'article 17 de la Constitution stipule que l'eau est un bien public et un bien de la communauté nationale. Dans ce cas-là, il revient au Parlement de légiférer dans ce domaine. La loi de l'aménagement du territoire (révisée en 2003, ndlr) donne aux parlementaires le droit de légiférer sur le schéma national d'aménagement du territoire, pourquoi pas l'eau ? S. H.