La conférence des ministres africains de l'Education a donné l'occasion au président de la République d'exprimer son sentiment sur l'état de l'Ecole algérienne. Le chef de l'Etat semble particulièrement irrité par les avancées réalisées par le français dans l'enseignement privé. Bouteflika s'est dit “prêt à revenir en arrière” si “les réformes doivent se faire au détriment de la langue arabe”. En menaçant d'arrêter la réforme, il ne fait que menacer les écoles privées dans leur existence pour délit d'affaiblissement de la langue officielle. Or, l'éclosion des établissements d'enseignement privés a précédé le projet de réforme de l'éducation, et est venu répondre, sans cadre réglementaire préalable, à un besoin exprimé par des parents d'élèves déçus par la qualité de l'enseignement public. L'école privée n'est pas l'école de la masse. La véritable réforme serait plutôt celle qui toucherait à l'école publique. Or, on ne peut pas dire que celle-ci ait été mise en œuvre. D'ailleurs, le ministère de l'Education, qui procède par timides touches successives, n'est pas alarmé par cette “dérive” linguistique de l'école privée puisqu'un des principes de la réforme est de favoriser l'enseignement des langues étrangères, le français en particulier, et de dispenser certains enseignements scientifiques dans les langues étrangères. Celles-ci ne sont pas un choix, mais une contrainte pour le transfert des sciences et de la technologie. Et comme on en est encore aux préliminaires de cette réforme, il n'y a pas de quoi revenir en arrière ; on y est encore. L'émergence des établissements privés répond à l'attente d'une élite intellectuelle et sociale. C'est cette élite qui n'a pas envie ou les moyens d'expédier sa progéniture dans des institutions étrangères qui tient à cette forme de scolarisation. Le fait ne fait que confirmer que les parents d'élèves soustrairaient volontiers leurs enfants de l'école publique pour peu qu'ils en aient les moyens. D'ailleurs, une industrie de cours complémentaires, dont profitent beaucoup d'instituteurs et de professeurs du secteur public, s'est développée, notamment en direction des classes d'examens pour compenser la faiblesse de l'école officielle. C'est dire qu'il y a quelque rentabilité sociale pour une partie du corps enseignant dans la médiocrité pédagogique actuelle. C'est cette insuffisance qui menace l'école. En fait, elle est déjà affaissée. Les rescapés — sur cent élèves inscrits en première année primaire, un seul finit bachelier — eux-mêmes ne correspondent pas toujours au profil normal de l'aspirant universitaire. Faire de la langue arabe l'enjeu est justement une approche idéologique. Elle fait oublier que l'enjeu est de préparer l'enfant à évoluer dans un contexte mondialisé. En la matière, de quoi se préoccupe-t-on, finalement ? De l'école ou de la langue ? Il serait plus aisé de concevoir une réforme si on arrive à distinguer clairement le moyen de l'objectif. M. H.