C'est une bourgade située sur les zones frontalières algéro-tunisiennes. Le chômage y est endémique. La jeunesse se meurt. Ses rêvent aussi. Les fellahs s'en sortent mal. Seule une certaine maffia y trouve son compte. Et en devises. Ramel Souk, située sur la bande frontalière algéro-tunisienne, est une bourgade de 8 500 habitants, faisant partie administrativement de la daïra d'El Kala dans la wilaya d'El Tarf. Elle est reliée aux autres agglomérations telle Oum Teboul par un chemin vicinal de 20 kilomètres en piteux état et par une autre route nouvellement réalisée, pour rejoindre le chef-lieu de daïra en passant par le village socialiste Abdellah-Boutella. Cette commune est composée d'une dizaine de hameaux. Plusieurs autres bourgades tunisiennes lui sont voisines. Ramel Souk c'est “l'autre bout du monde” comme aiment le qualifier les fermiers. Aucune réalisation digne de ce nom n'a été concrétisée depuis bien longtemps pour retenir les jeunes qui ne cessent de quitter la cité pour aller s'installer dans les villes limitrophes ou tout simplement rêver d'un eldorado. Un jeune, rencontré dans un des cafés, nous confie qu'il s'est inscrit, en compagnie de plusieurs camarades, sur la “loterie américaine”, cette possibilité d'émigration offerte annuellement par le pays de l'oncle Sam. En attendant le résultat, il rêve… d'une belle vie douillette. À la tombée de la nuit, un silence plat règne sur l'agglomération qui souffre énormément du sous-développement. Ici comme ailleurs, le chômage est endémique. Seules les personnes ayant opté pour le travail de la terre sont épargnées de la monotonie quotidienne. Mais de nos jours, les travaux des champs ne rapportent plus grand-chose, nous confie-t-on. Le reste de la population en âge de travailler passe son temps dans les cafés qui prolifèrent comme des champignons de dernière pluie. Un pays prospère pour la contrebande… Ramel Souk, comme de nombreuses autres localités frontalières, est le passage obligé de la contrebande qui ne se fait qu'à sens unique et nos voisins tunisiens en tirent les dividendes. Le chômage, imperturbable dominateur, adosse aux murs et aux arbres jeunes et moins jeunes, point de poste de travail à offrir à cette masse de jeunes aux biceps encore intacts. “Il faut quitter le bled pendant longtemps si l'on veut assurer la survie des siens”, nous apprend avec amertume un père de famille à la recherche d'un travail quelconque depuis plus de trois ans. Les jeunes de ce petit village voient leurs rêves d'occuper des postes d'emploi s'estomper et la position assise les transforme en oisifs malgré eux. Tôt le matin, la plupart des habitants quittent ce trou perdu, se libèrent de leur patelin à destination soit d'El Kala soit vers Aïn El Assel, les deux villes les plus proches de cette localité dénommée par plus d'un “Le trou noir”. Ils s'y rendent quotidiennement (lycéens et autres) pour y faire leurs provisions, s'y promener et “tuer” le temps, pour étudier ou tout simplement flâner à longueur de journée surtout quand on a rien à faire. Les taxis clandestins ne désemplissent jamais. Il est difficile de dénicher une place après quatorze heures. Oisives, certaines personnes font plusieurs fois ce trajet pour meubler leur temps. La chaussée, seule voie d'accès vers El Kala, en passant par le hameau de Oued El-Hout pour atterrir à El Frine (Aïn Assel) est retapée à neuf comme celles de plusieurs autres agglomérations de la wilaya, les trous béants ont disparu à la joie des conducteurs de fourgonnettes. Une nette amélioration. …Rude pour les autres Dès que la majorité de la population part à El Kala, le patelin se vide de sa substance humaine et seuls les vieillards, les femmes, les écoliers et les collégiens y restent. La seule école primaire et le CEM occupent les enfants. Cependant, la grande préoccupation des habitants de cette commune se résume en quelques mots : “assurer le savoir à leurs enfants”. Les élèves admis en seconde sont obligés de se rendre à Aïn El-Assel ou El Kala pour poursuivre leur scolarité, les parents déboursent beaucoup d'argent dans le transport et prient pour qu'un lycée soit construit au niveau du village. Des élus leur ont promis “ce rêve” mais... À Ramel Souk tout se meurt, du commerce au citoyen, dans une lassitude qui n'a pas de fin. Rien ne présage l'espoir d'une vie meilleure, le pessimisme s'est depuis longtemps installé dans les cœurs des habitants de cette commune. Les plus nantis s'adonnent à l'élevage sous toutes ses formes. D'autres vivent de l'apiculture et de la culture des arachides, selon les saisons. Dans ces hameaux abandonnés à leur triste sort, les habitants luttent dans le sens le plus large du terme pour leur pérennité et surtout celle de leur progéniture. L'eau à porter des fontaines publiques après une si longue attente occupe ceux qui ne voyagent pas. Ainsi va la vie pour eux. La misère de la commune de Ramel Souk donne un désir collectif de fuite vers d'autres cieux plus indulgents. T. B.