Photo : Mohamed Rahmani De notre envoyé spécial au Kef (Tunisie) Mohamed Rahmani La signature par l'Algérie des accords portant su la zone arabe de libre-échange a suscité les craintes des opérateurs économiques algériens confrontés aux problèmes liés à l'importation. En effet, lors de la rencontre des hommes d'affaires algériens et tunisiens tenue les 3 et 4 février derniers au Kef (Tunisie), la question a été débattue pendant des heures. Les interventions des représentants des chambres de commerce des wilayas d'Annaba, Constantine, Tébessa et de Souk Ahras ont toutes évoqué ces accords qui, selon eux, porteront un coup sérieux à l'économie du pays. Le certificat d'origine délivré par les pays arabes exportateurs de produits figurant sur la fameuse liste peut, selon eux, être délivré sans pour autant respecter les conditions stipulées. «Il faudrait, affirme un opérateur, créer des mécanismes de contrôle avec un système de traçabilité des produits destinés à l'exportation pour s'assurer de leur origine et ainsi déterminer le taux d'intégration qui autoriserait l'exportation. Une banque de données des entreprises, des PME et PMI par secteurs d'activités établies dans ces pays doit être instituée, c'est seulement de cette façon qu'on pourra dire que tel produit a pour origine tel pays.» Un autre participant prendra la parole pour évoquer les conséquences néfastes de l'ouverture du marché algérien aux produits asiatiques. Il dira que des centaines d'entreprises du textile ont fait faillite et fermé parce qu'elles ne pouvaient résister à cette concurrence déloyale. L'Algérien attiré par les bas prix achète une marchandise de très mauvaise qualité et ne se rend pas compte qu'il est en train de faire fermer des unités de production qui existent depuis des dizaines d'années. «C'est dramatique ! lance-t-il, au moment où le gouvernement multiplie les efforts pour enrayer le chômage avec un plan de relance économique soutenu à coups de milliards. L'importation sauvage fait des ravages rendant inutiles toutes les actions entreprises. C'est vraiment malheureux !» Se voulant rassurant sur cette question, le représentant de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (UTICA) dira que les deux économies (algérienne et tunisienne) aspirent à la complémentarité et qu'il ne s'agit pas de compétitivité mais plutôt de développement de ces économies par les échanges commerciaux, par les investissements de part et d'autre et par la création de projets communs. Abordant le problème du certificat d'origine, il dira qu'en Tunisie, les autorités sont très rigoureuses quant à la délivrance de ce document qui ne peut être remis qu'après une vérification et un contrôle stricts. L'Algérie, 12e fournisseur de la Tunisie au niveau mondial Prenant la parole, M. Lachnani Chérif, président de la chambre de commerce et d'industrie du nord-ouest tunisien, axera son intervention sur la coopération. «Cette coopération est vitale pour nos deux pays. Nous dépensons au Maghreb près de 10 milliards de dollars par an qui profitent à des économies du non-Maghreb. C'est énorme compte tenu des défis occasionnés par les mutations de l'économie mondiale.» Il poursuivra en rapportant que selon la Banque mondiale, une intégration plus approfondie fera croître le PIB par habitant de 34 %, 27% et de 24% entre 2005 et 2015 en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Il faudrait, selon lui, ouvrir les frontières économiques, lever les entraves administratives financières et douanières mais aussi encourager les investisseurs des deux pays à lancer des projets communs ; une zone de libre-échange sur la bande frontalière devrait être créée. Les chiffres rendus publics lors de cette rencontre placent l'Algérie au 10e rang des clients de la Tunisie et au 12e rang des fournisseurs au niveau mondial. Sur le plan régional (Maghreb et pays arabes), les exportations tunisiennes vers l'Algérie représentent 26,5% du volume global des exportations vers les pays du Maghreb et 21,7 % vers les pays arabes. Les importations tunisiennes à partir de l'Algérie sont de l'ordre de 38,3% pour le Maghreb et de 22,6% pour les pays arabes. Selon le rapport exposé par le représentant de la chambre de commerce du nord-ouest tunisien, le volume des échanges commerciaux entre les 2 pays a augmenté de 85% entre 2007 et 2008. Environ 650 entreprises tunisiennes exportent vers l'Algérie et 123 autres importent diverses marchandises. La répartition des échanges touche différents secteurs, industries mécaniques et électriques (61%), industries diverses (31%), l'agroalimentaire (7%) et le textile (1%). Ces échanges ont pour assises juridiques les accords de facilitation et de développement des échanges commerciaux interarabes du 27 février 1981, le programme exécutif pour la création d'une zone franche arabe du 19 février 1997, la convention commerciale et tarifaire de 1981 et l'accord commercial préférentiel entre l'Algérie et la Tunisie du 4 décembre 2008. La multiplication des contacts et des visites des hommes d'affaires des deux pays pour la réalisation d'un partenariat industriel qui renforcerait la complémentarité ainsi que l'organisation de salons spécialisés pour faire connaître les produits tunisiens et algériens ont été les propositions qui ont le plus convaincu les participants. Ces derniers se disent prêts à en informer leurs responsables respectifs pour les concrétiser sur le terrain au courant de l'année 2009.