Ce changement subit dans le ton laisse à penser qu'en "haut lieu", on a pu vite mesurer les conséquences sur l'"état moral" de la nation, déjà mal en point. Alors que l'on croyait, trop hâtivement sans doute, ou candidement peut-être, que la "guerre des tranchées" entre le Premier ministre et le patron du FCE était partie pour longtemps avec, au bout, une éventuelle disgrâce, pour l'un ou pour l'autre, voilà qu'à la surprise générale, Abdelmadjid Tebboune invite Ali Haddad à une rencontre demain dimanche pour "définir, d'un commun accord, le programme, la date et le lieu de la prochaine tripartite qui aura lieu prochainement". Dans le communiqué publié par les services du Premier ministère, mercredi en fin d'après-midi, il est simplement mentionné qu'il "sera procédé notamment, au cours de cet échange de concertations, à l'examen des points à l'ordre du jour à soumettre à la tripartite, ainsi que la fixation de la date et du lieu de la tenue de cette rencontre dont l'organisation est prévue prochainement". Le texte ne fait référence ni à la polémique qui a suivi l'incident de l'Ecole des assurances, ni aux mises en demeure adressées au patron du FCE, encore moins aux interrogations suscitées par cette passe d'armes devant l'opinion, amusée de l'étalage sur la place publique des "scènes de ménage" de la famille du régime. À l'examen du communiqué laconique des services du Premier ministère, tout se passe comme s'il s'agissait d'une rencontre ordinaire, voire routinière, "entre vieilles connaissances". Si "en amour comme en guerre, pour en finir, il faut être face à face" et que le dialogue demeure une vertu cardinale pour la résolution des conflits, il reste que ce changement subit dans le ton, c'est du moins ce qu'il est permis de saisir en filigrane du texte, laisse à penser qu'en "haut lieu", on a vite pu mesurer les conséquences sur l'"état moral" de la nation, déjà mal en point. D'abord, la conjoncture socioéconomique commande la conjugaison des efforts de tous pour transcender la crise. Ensuite, l'étalage sur la place publique des divergences entre alliés du cercle présidentiel n'est bon ni pour la Présidence, ni pour le patronat, ni pour le syndicat des travailleurs, encore moins pour l'étranger au moment où on s'emploie à attirer de potentiels investisseurs. C'est donc, assurément, la Présidence qui aurait décidé de "siffler" la fin de la "partie" et d'appeler les "protagonistes" à se retrouver autour d'une table. Mais ce changement ne lève pas pour autant le voile sur toutes les zones d'ombre qui entourent cette affaire. Autant dans sa genèse, ses développements, ses soubassements politiques, que dans ses objectifs. Quelques certitudes cependant : Abdelmadjid Tebboune, dont la cote de popularité, malgré l'absence avérée de charisme, ne cessait de grimper depuis qu'il a engagé le bras de fer avec Haddad et accessoirement avec Sidi-Saïd, risque d'apparaître, désormais, comme un homme qui a fini par jeter l'éponge devant la puissance de l'argent, surtout que le patron du FCE, en réponse aux mises en demeure qui lui étaient adressées, a apporté des preuves expliquant qu'il était victime des "dysfonctionnements" de l'Etat. Ce qui pourrait accréditer la thèse, par certains égards, qu'il est ciblé dans le cadre d'une entreprise de règlement de comptes ou de reclassement au sein du régime, mais non dans le cadre de la séparation de l'argent de la politique, comme l'avait proclamé Tebboune devant les parlementaires. Aussi, les professions de foi, faites lors de la présentation du plan d'action, selon lesquelles le gouvernement s'attellerait "à l'ouverture de canaux du dialogue et de concertation avec toutes les composantes du tissu national, qu'elles soient politiques, syndicales, académiques ou associatives, pour expliquer la démarche de l'Exécutif, obtenir la confiance et l'adhésion de tous", deviennent caduques au regard de la qualité des invités pour préparer la... tripartite. Une "erreur" qui risque de discréditer les actions de Tebboune après les "coups d'éclat" avec lesquels il avait entamé son règne de Premier ministre. Probablement destinée à sceller la réconciliation, la rencontre de demain est un indice supplémentaire de ce qu'est la nature du régime : il a ses raisons que la raison ne connaît point. Alors, simple tempête dans un verre d'eau ? Djamel Ould Abbes, rompu aux traditions de la maison, sait probablement pourquoi il a dit cela. Karim Kebir